Tout commence par une question.
À la question pour qui j’écris ? Bernanos avait cette réponse saisissante qui me hante depuis des années :
« J’ignore pour qui j’écris, mais je sais pourquoi j’écris. J’écris pour me justifier.
– Aux yeux de qui ?
– Je vous l’ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l’enfant que je fus. »
Bernanos
Quand on me demande pourquoi j’écris Umanz la réponse courte est “pour élever l’esprit, un contenu à la fois”. A la question pour qui ? La réponse est plus longue et c’est ma réponse d’aujourd’hui.
Car ces fameux “Ceux qui” c’est un peu pour eux que j’écris Umanz. On connaît tous des gens autour de nous qui sont des droïdes dans leurs roues de hamsters. De splendides droïdes certes, mais des machines quand-même. Mes “Ceux qui” ont su garder leur âme en vie.
Et je suis persuadé que nous sommes des multitudes. Je vous en parle tout de suite.
Avant cela, et pour ne pas faillir à notre rite hebdomadaire, abordons cette rentrée étrange par un petit texte méditatif qui figure parmi mes lectures préférées. Un texte de Romain Gary dont la lecture me donne encore des frissons. Il contient quelques indices sur ces fameux Ceux Qui et nos quêtes d’infini.
Mes Ceux Qui ont l'éternelle nostalgie de l'absolu. Ils laissent des traces. Ce sont, bien sûr, des gens longs.
L’Absolu selon Romain Gary
« Quelque chose, toujours, manquait. Entre ces pauvres miettes et l’extraordinaire besoin qui venait de s’éveiller en moi, il n’y avait pas de commune mesure. Vague et lancinant, tyrannique et informulé, un rêve étrange s’était mis à bouger en moi, un rêve sans visage, sans contenu, sans contour, le premier frémissement de cette aspiration à quelque possession totale dont l’humanité a nourri aussi bien ses plus grands crimes que ses musées, ses poèmes et ses empires, et dont la source est peut-être dans nos gènes comme un souvenir et une nostalgie biologique que l’éphémère conserve de la coulée éternelle du temps et de la vie dont il s’est détaché.
Ce fut ainsi que je fis connaissance avec l’absolu, dont je garderai sans doute jusqu’au bout, à l’âme, la morsure profonde, comme une absence de quelqu’un. Je n’avais que neuf ans et je ne pouvais guère me douter que je venais de ressentir pour la première fois l’étreinte de ce que, plus de trente ans plus tard, je devais appeler « les racines du ciel », dans le roman qui porte ce titre.
L’absolu me signifiait soudain sa présence inaccessible et, déjà, à ma soif impérieuse, je ne savais quelle source offrir pour l’apaiser. Ce fut sans doute, ce jour-là que je suis né en tant qu’artiste ; par ce suprême échec que l’art est toujours, l’homme, éternel tricheur de lui-même, essaye de faire passer pour une réponse ce qui est condamné à demeurer comme une tragique interpellation. »
Romain Gary, La promesse de l’aube
À Ceux-qui
(nous sommes des multitudes)
Lorsqu’on me demande pourquoi j’écris Umanz, je réponds : j’écris à Ceux qui.
- Ceux qui ?
- Oui, Ceux qui. J’écris…
À ceux qui doutent
À ceux qui choisissent les mots à ne pas dire
À ceux qui sont un peu bancals un peu bizarres
À ceux qui lisent et ceux qui écrivent
À ceux qui posent des questions
Aux curieux
À ceux qui savent gagner et à ceux qui savent perdre
À ceux qui vivent et à ceux qui luttent
À ceux qui aiment l’inutile
À ceux qui pleurent
À ceux qui tentent chaque jour de ne pas être que performatifs
Aux collectionneurs de nuances
À ceux qui soignent leurs rêves
À ceux qui n’ont pas éteint l’enfant en eux
À ceux qui savent encore produire du silence
À ceux qui ont une vie de l’esprit
À ceux qui savent qu'être est plus difficile qu’avoir
À ceux qui ont fait que j'ai le goût de l'amour sur la langue
Aux espadons dans les baignoires
À ceux que leurs pertes ont construit
À ceux qui parlent des yeux
À ceux qui gardent la tête héroïque
À ceux qui s’émerveillent. Toujours.
À ceux qui malgré tout, continuent à opérer
À ceux qui ont gardé leur âme en vie
Et merci à Souchon, Giono, Merini, Melville, Hugo, Camus, Saint-Exupéry, Bobin, Singer, Rilke, Woolf, Brel, Delerm, Fauve, Larcenet, Dewaere et tant d’autres…
Les Tweets de la semaine
Lire et écrire
Pas mon rayon
Music Mushroom via @Mariedolle
Les Screenthoughts de la semaine
Paradoxe du futur, paradoxe du passé
Mensonges, vérités et conséquences
Les plus grands ennemis du succès
Comment va ton CEO en ce moment ?
Le mot de l'été : “Immarcescible”
Un mot découvert dans le Faussaire de Patricia Delhaye :
« J'en ai un beau pour vous, claironne Chantal, radieuse, en mâchant son sandwich au jambon. Je vous donne la définition et vous essayez de trouver le mot. J'y vais ? Alors, voilà, on pourrait dire que c'est quelque chose d'impérissable, d'inoubliable. Un souvenir, une sensation, un instant qui restera toujours intact dans la mémoire.
Paul réfléchit, fait la moue.
Je donne ma langue au chat, comme d'habitude. Elle se fait rare, l'habitude, dit Chantal pour le taquiner. Le mot, c'est « immarcescible ». Comme le docteur et moi en ce moment, sur ce banc, ce sera un moment imm....»
Les pépites de la semaine
🎛️ La nouvelle musique entre en mode popularité diminuée.
🎵 Rootsissimes…Ojas, les Enceintes premium que tout le monde s'arrache.
👿 "Chacune de nos défaites signale une de leurs nouvelles victoires."
À l'aller (mais aussi au retour) voici…Les Spoilers de vacances
🧮 Hautement et quantiquement perché. Vous êtes prêts ? Les nombres imaginaires sont réels.
👩💻 Quand les développeurs sabotent leur propre code : la montée en puissance du protestware.
C’est tout pour cette semaine. Un dernier conseil - intraduisible - pour la rentrée et c’est pour çà que je le garde en V.O.
In an age of performative cruelty, kindness is Punk as Fuck…
Be Punk as Fuck.
Daniel Abraham
Bref, gardez le cap.
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