La lettre de Umanz : ✍️ chérie, j'ai pulvérisé le contenu
Une fois n’est pas coutume, je voulais, cette semaine partager mes réflexions sur l’évolution du contenu numérique qui semble vivre deux mouvements inverses : l’avènement du contenu algorithmique dominé par TikTok et le retour vers des contenus longs et de qualité avec Substack.
Avant de vous en parler, le petit passage rituel par un texte essentiel m’amène à repartager avec vous ce texte dense et lumineux de Gianpiero Petriglieri qui reste l’un de mes textes préférés en termes d’humanités numériques :
Nous avons besoin de data et nous avons besoin de rêves
“Nous avons besoin de data et nous avons besoin de rêves”
L’une des raisons pour lesquelles plusieurs personnes redoutent les machines est qu’elles s’inquiètent d’un monde où l’on peut tout prédire et rien imaginer.
Et ça ne nous rend pas vraiment humains. En fait, dans ma carrière précédente de psychothérapeute, nous avions un mot pour décrire la capacité de tout prédire d’après les données du passé et où l’imagination était incapacitée, on appelait cela “un traumatisme”…Et c’est une condition très déshumanisante.
Bien sûr nous avons besoin de data mais nous avons besoin de rêves. Nous avons besoin d’outils et nous avons besoin d’histoire. Mais ce que je voudrais vous proposer c’est que, ce que l’on caractérise aujourd’hui comme tension entre l’humanité et la technologie, n’est que l’instantiation du XXIème siècle de cette tension éternelle entre le désir de la data et des outils pour rendre la vie meilleure et des histoires et des rêves qui nous permettent d’avoir une vie qui fait sens.
Dès lors si nous voulons apprendre mieux, nous devons améliorer notre capacité à faire les deux. Spécifiquement nous avons besoin d’apprendre à faire un travail qui fait sens. Si nous ne nous concentrons que sur un type d’apprentissage : celui qui nous permet de prédire, ou de prévenir ou nous de adapter au futur, le problème ne sera pas les machines qui viendront mais les machines que nous deviendrons…”
Gianpiero Petriglieri, Conférence Learning for Human Living
Chérie, j’ai pulvérisé le contenu
Tout a commencé quand Mark Zuckerberg a décidé de "déprioriser" - on appréciera le choix des mots - la portée des médias classiques dans le fil Facebook…On n'avait encore rien vu. Alors que Zuck avait la possibilité de tuer d’un coup de thermostat algorithmique les contenus premium du Monde, du Figaro, du Financial Times ou de The Economist, un autre service afûtait patiemment son algorithme attentionnel...
A quoi sert le contenu quand on peut piloter l’attention ? Le redoutable algorithme de TikTok est passé à la version supérieure. En n’arbitrant que les pics d’attention, il dégrade le contenu à sa plus simple expression : l’unité d’attention personnelle.
À ce jeu mécanique, les marques médias et mêmes les influenceurs sont forcément perdants. Même ceux qui produisent du contenu “clickbait” au mètre.
Le seul capable de vous donner votre pic d'adrénaline attentionnelle est l’algorithme TikTok et il aplatit par là la notion même de marque media et de producteur de contenu qu’ils s'agisse de Netflix ou de Youtubers aguerris.
En bref, même si vous pouvez proposer des contenus qui enchantent l’esprit, vous ne pouvez pas produire at scale des Unités d’attention personnalisées. La seule entité capable d’agripper les yeux, c’est l’algorithme TikTok…mais au prix de la dégradation même de notion de contenu. En 2022, le grand gagnant de la part de cerveau disponible n’est plus le bateleur télévisuel ou l’instagrammer. Tout cela c’est fini. Le grand gagnant de l’ère média qui commence à peine, c’est l’algorithme de TikTok.
Les règles du jeu algorithmique ou Warhol ÷1000
Ce jeu algorithmique, qui est le nouveau jeu de l’attention et donc de l’audience (et donc des revenus publicitaires) est un jeu à somme nulle auquel les médias classiques ne peuvent répondre car une série de pics d’attentions n’a plus forcément de lien avec un contenu intelligible, une histoire, un article, un dessin animé, un tutoriel de youtubeuse beauté.
Le contenu et, a fortiori, la marque de contenu ne comptent plus. Le narratif est pulvérisé, l’auteur est pulvérisé, le support devient inexistant.
Comme l’explique l’analyste media Henry Jenkins, nous sommes entrés dans l’ère "ces unités courtes, à forte charge émotionnelle, qui peuvent être regardées dans l'ordre ou non."
Si votre article, votre Meme, votre vidée surgit un jour dans le fil de millions de personnes sur TikTok ce sera par le choix d’un algorithme aveugle et vous pourriez passer une vie à recréer en vain ce centième de seconde de célébrité.
Il n'y a pas si longtemps les Instagramers et les Youtubers étaient déjà en burnout mais ils avaient un maigre espoir, celui de de créer une marque média personnelle…Mais sur TikTok, la marque c’est TikTok point barre, un humain aussi talentueux et inspiré soit-il ne peut générer ad vitam des Unités d’Attention Continues.
Le constat hyperlucide de la journaliste Shane Ferro il y a maintenant 10 ans : “I don’t have 5 opinions per day” n’est plus d’actualité. Et ce n’est même pas une question de course vers le bas et la médiocrité. Nous avons dépassé ce stade. Non, le jeu n’existe plus, il n’a plus simplement de raison d’être.
Attention, la grande attention revient
Mais c’est peut être là une bonne nouvelle. C’est peut être parce que ce jeu algorithmique n’est plus jouable par les médias d’audience qu’ils peuvent se réinventer sur d’autres business models et retrouver le chemin du contenu à forte valeur ajoutée qu’ils n’auraient jamais dû quitter.
Le jeu est différent mais reste ouvert. Avec Substack, les Podcasts et le renouveau des marques médias intimes et personnelles, on s’aperçoit enfin que l’authenticité n’est pas soluble dans l’algorithme.
L’ère des médias “low volume/ high attention” ne fait que commencer.
3 tweets sinon rien
Et parfois, la magie
Apocalyp$e Now
Indigestion d’OKRs
Les Screenthoughts de la semaine
Pensée automobile
Social Skills Vs Technical Skills
Échec du succès, succès de l’échec
L’évangile de la surconsommation date de 1955
Les pépites de la semaine
Et voici pour finir quelques pépites extraites des newsletters personnalisées réalisées pour nos clients :
💸 “Ce défi extrême exige un système de capitalisme adapté à la transition du monde vers un avenir bien supérieur.” Refondre le Capitalisme ça coûte combien ? 178 Mille Milliards de dollars. Et voici la Transition Finance
👗 Enfin, il était temps. Voici les Anti-fast fashion influencers
🔚 Signal fort : le livre de Kohei Saito : “le Capital à l'ère de l'anthropocène” fascine la jeunesse japonaise.
👩💻 Ce qui ressort de la promo YCombinator 2022
🤖 Greg Rutkowski plus populaire dans les "Prompts" d'AI que Picasso. Entre l’art généré par les intelligences artificielles et les artistes. Le problème juridiquement vertigineux des images générées "à la façon de".
C’est tout pour cette semaine. Je vous retrouve la semaine prochaine et d’ici là…Gardez le cap.
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