La tagline de Umanz est : un peu de sens dans un monde WTF. Certains l’ont toujours trouvé violente, d’autres pensent que c’est un understatement. Personnellement je navigue dans cette Coincidentia Oppositorum.
Depuis la création de Umanz il y a maintenant 7 ans, j’ai eu largement le temps de me pencher sur la question du sens. Cela a donné des essais comme : les quatre piliers de la crise de sens, les filtres de sérendipité ou encore, pour ceux à l’estomac solide, la Fuckedupitude.
À l’occasion de ma conférence préférée, l’USI, j’ai pu interroger la chercheuse et enseignante Marion Cina sur le sujet du sens au travail et de la pénurie d’imaginaire que représente souvent le passage en entreprise pour les jeunes diplômés.
Je vous en parle tout de suite.
Avant cela, le petit texte méditatif de la semaine nous invite à prendre de la hauteur mais aussi la mesure notre estrangement croissant face à l’absurdité du monde, un sentiment diffus mais profond dans lequel se reconnaissent beaucoup de personnes que j’accompagne dans mon Cabinet Second Act.
Lisez ce texte comme une ode à la permanence et l'impermanence des êtres profondément atteints.
Il en reste et c’est tant mieux.
« Soyez supérieur aux études supérieures. Restez spécialiste en matins d'automne, en odeurs de feuilles brûlées. Sachez reconnaître les feuilles qu'on brûle. Soyez docteur ès crépuscules, master of équipées nocturnes, professionnel du point de vue des galops de printemps. N'oubliez jamais que les terres labourées sont les meilleures pour qu'un cheval ne s'emballe pas. Soyez incollable sur Faulkner et faites un pèlerinage aux jardins du Luxembourg. Ayez la grâce d'un courant d'air, la fluidité de l'éternel, tout à la fois la permanence et l'impermanence des êtres sérieusement atteints. Devenez une espèce à vous tout seul, évolutif et scissionnaire. Exposez posément la situation à votre compagnon intersidéral.
Si vous n'y arrivez pas exactement en ces termes, changez les termes, mais en gardant l'esprit.
Aucun changement d'esprit ne sera toléré. Courage. »
Frédéric Berthet, Simple Journée d’été
Entreprises, imaginaire et jeunes diplômés : le grand schisme
Marion Cina, chercheuse-enseignante en Sciences de Gestion à l’ISC, décrypte la question du sens au travail à travers la friction des imaginaires entre les jeunes diplômés et les entreprises.
À l’occasion de son intervention à l’USI, elle a accepté de répondre aux questions de Umanz.
Umanz - Pourquoi l’imaginaire des diplômés bute-t-il sur celui des entreprises ?
Marion Cina : Il y a un double problème. Le premier survient quand l’imaginaire des jeunes diplômés, nourri de modèles inspirants, d’outils d’analyse et d’une intense dextérité mentale liée à leurs études, se trouve en porte-à-faux avec les outils de l’entreprise, où on les oblige à réduire leur pensée à des PowerPoints et des bullet points, déclenchant un ennui rapide et une atrophie de l'imaginaire. Ces outils réducteurs les maintiennent dans des jobs surfaciques.
Le second, c’est qu’ils n’osent pas se mettre en avant ni porter une voix dans l’entreprise. Beaucoup d’entre eux estiment que les entreprises ne vont pas les écouter. Ils n’accèdent pas à un sens plus large, à une portée plus vaste de leurs actions.
Umanz - Comment les entreprises peuvent-elles réveiller l’imaginaire chez ces nouveaux diplômés ?
Marion Cina : Les jeunes diplômés ont parfois du mal à se décentrer de leurs tâches quotidiennes. Il faut donc les intégrer à des discussions plus larges sur les stratégies, le rôle de l’entreprise et ses grands projets.
Les amener à projeter une vraie utilité dans une dimension plus vaste. Le fait de les sortir de leur quotidien pour leur offrir une perspective élargie peut les amener à reconsidérer, voire à faire évoluer leurs tâches.
J’ai noté dans ma pratique que le réveil de l’imaginaire est souvent une négociation entre les jeunes diplômés, leur manager et l’entreprise au sens large. Souvent, il faut sortir des outils numériques et des tâches balisées pour ouvrir des espaces de négociation fertiles. Ce sont ces espaces de conversation qui permettent à l’imaginaire de se réouvrir et de s’exprimer.
Umanz - Comment justement élargir les perspectives ?
Marion Cina : J’ai l’exemple d’une société d’ingénieurs travaillant en open space sur le logiciel Catia, mais en fait très isolés derrière des casques et leurs ordinateurs, qui a réveillé l’imaginaire de ses équipes en créant un incubateur accessible la nuit. Les ingénieurs pouvaient y réveiller leur créativité, en équipe, et dans le mouvement physique, dans un atelier doté d’outils anciens.
Ce décloisonnement temporel et physique a permis de réveiller la prise en main, la manipulation de la matière, et l’imaginaire des participants.
J’ai souvent noté que les outils informatiques et les écrans peuvent éloigner les ingénieurs du réel, et qu’ils ont besoin de retrouver les sens premiers — comme la vue et le toucher — pour retrouver le sens.
Marion Cina est docteure en sciences de gestion et enseignant-chercheur en innovation, créativité et théorie des organisations à l’ISC Paris. Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion obtenu au LEST Aix-Marseille Université, elle a soutenu sa thèse en 2022. Ses recherches s'intéressent aux intersections entre management et sciences humaines, et notamment entre management et philosophie, avec pour thématique principale l'imaginaire dans les organisations.
Quel sera votre “Second Act” ?
Qu’est-ce qu’un travail où tu ne t'accomplis plus, c’est littéralement un travail qui ne te met plus à l'œuvre.
Tu te sens alors “Dés-Oeuvré.” c’est à dire privé d’oeuvre.
Le “Dés-Oeuvré” n’est pas privé d’emploi. Il est privé d'œuvre.
Il y a une gigantesque déconnexion à l'œuvre dans la société. On nous dit qu’il y a une app pour ça, une pilule pour ça, une posture de Yoga pour ça, mais la vérité c’est que nous n’avons pas mis à jour nos outils intérieurs de fabrication du sens et de connaissance de soi, y compris au travail, face à une société et des phases de vie qui ont radicalement changé.
Découvrez Second Act, mon cabinet de transition de vie, un passeport de sérénité pour la deuxième partie de vie.
Découvrez également le Parcours Edge-AWRNSS à destination des Entreprises.
Les Screenthoughts de la semaine
L’expérience est un professeur difficile
Le vrai travail du journaliste
La vérité des opinions extrêmes
Signe des temps et temps des signes
Roulez petits bolides. La branche la plus geek des lecteurs de Umanz fait circuler ces prédictions détaillées et informées sur l’AI.
Un post exclusivement réservé à mes frères et soeurs les gens longs : How to long game ?
L’élite ne travaille plus et n’est plus rémunérée pour résoudre les problèmes du monde. Rutger Bregman, le dernier optimiste, fonde l’École de l’Ambition Morale.
Dernier rappel (à moi même) avec ce bijou qui n’a pas vieilli : sortez de votre tête !
C’est tout pour cette semaine, je vous retrouve la semaine prochaine avec le retour de la rubrique la plus Umanz de Umanz, les Idées Qui Murmurent.
D’ici là, comme toujours, gardez le cap 🧭.
Waloyo Yamoni, nous surmontons le vent.
Cette newsletter est avant tout un projet de coeur. De nombreuses personnes et sociétés me demandent souvent : comment travailler ensemble ? Actuellement, je consacre 80% de mon temps à “Second Act”, mon cabinet d’accompagnement en transitions pro ou perso. 10% de mon temps à des Keynotes en entreprise sur les Soft Skills élégants: la Curiosité, l’esprit du débutant, l’émerveillement, l’impact, la loyauté, l’art de la conversation etc. Ainsi que des ateliers et séminaires exclusifs pour les comités de direction. Et 10%, par pur plaisir, à une activité de conseil en positionnement et en identité d’entreprise que j’ai gardée de mes anciennes activités chez Google, Reuters et Dow Jones. Elle me permet de produire, pour les marques et les entreprises des positionnements ou des contenus uniques, aussi différenciés que des guitaristes punks dans un orchestre de mariachis.
Merci Patrick, j'adore ce passage de Frédéric Berthet, le bonheur c'est savoir être un expert des moments simples !