Les mots, dit-elle, étaient des loups. Ils s'alignaient sur les cimes pour raconter à la lune la difficulté du vent à escalader la pente, la suffisance des troupeaux et les mouvements chaotiques des nuages
Vénus Khoury-Ghata
Les historiens des médias, s’il en reste -oui, les deux- se pencheront un jour avec étonnement sur cette étrange période où seuls le vacarme, l’outrance et les fake-news bénéficiaient de coupe-files algorithmiques.
Aujourd’hui il n’ y a pas que le sens qui est écrasé, la beauté aussi, peine à surnager dans le slop ambiant, raison de plus pour faire émerger quelques phrases délicates dans cet océan indigeste.
Cette semaine je partage dans la lettre de Umanz, quelques fragments de grâce, quelques merveilleuses dentelles de mots avec le retour des bouchées contemplatives.
Des phrases avec de la proof-of-human dedans.
Et pour ouvrir cette lettre, je partage avec vous cette pénétrante méditation de Joe Carlsmith :
Si vous choisissez le monde réel, vous ne pourrez pas revenir à la machine.
Vous apprenez que vous avez vécu toute votre vie dans une machine à expériences, dans laquelle vous êtes à la fois seul et systématiquement berné, même à propos de votre monde de simulation.
Aucun de vos amis, de votre famille, de vos amants, etc. n'existe réellement ; vous n'avez jamais interagi qu'avec des simulations non conscientes à faible résolution que la machine vous fait trouver convaincantes et complexes. Personne ici ne vous aime ou ne se soucie de vous, parce qu'il n'y a personne ici, à part vous ; il n'y a personne à qui vous manquerez quand vous serez parti, ni personne que vous devriez rester pour aider.
Rien de ce qui est au-delà de votre expérience et qui compte pour vous n'est ce qu'il semble être. Lorsque vous détournez votre regard de quelque chose, cette chose disparaît. Chaque fois que vous essayez de réfléchir, la machine vous fait commettre des erreurs de raisonnement que vous ne remarquez pas : en fait, vous en avez déjà fait beaucoup. Vous êtes désespérément confus à un niveau élémentaire, et vous le resterez pour le reste de votre vie.
Vous n'aurez plus jamais l'occasion de partir.
Si vous choisissez de partir, le monde réel dans lequel vous entrerez aura un équilibre plaisir/douleur un peu moins bon que votre monde actuel. Et vous ne pourrez pas non plus améliorer beaucoup le monde réel. Là-bas, par contre, vous pouvez rencontrer de vraies personnes, avec leurs propres vies riches et complexes ; vous pouvez vous faire de vrais amis et faire partie de vraies relations, communautés et institutions.
Vous pouvez vous promener dans des villes qui ont une histoire réelle ; vous pouvez entendre des histoires sur des choses qui se sont réellement produites et les raconter ; vous pouvez vous tenir sous un vrai ciel et sentir la chaleur d'un vrai soleil. Des gens font de la vraie science et découvrent de vraies choses. Ils commencent à peine à comprendre l'histoire dont ils font partie, mais ils peuvent comprendre. Vous pouvez comprendre, vous aussi ; vous pouvez faire partie de cette histoire, vous aussi.
Personne ne sait encore ce qui va se passer.
Si vous choisissez le monde réel, vous ne pourrez pas revenir à la machine.
Joe Carlsmith
Danse la vie dense et autres bouchées contemplatives
C'est du tout petit
C'est du tout petit, ce que je fais. C'est de l'ordre du minuscule. de l'infinitésimal. À la question : que faites-vous dans la vie, voilà ce que j'aimerais répondre, voilà ce que je n'ose pas répondre : je fais du tout petit, je témoigne pour un brin d'herbe. Le monde tel qu'il va, mal, je le connais et je le subis comme vous, un peu moins que vous, peut-être : dessous un brin d'herbe, on est protégé de beaucoup de choses. Ces choses, je ne les ignore pas. Mais ce n'est pas d'elles que je veux parler. Ce n'est pas ma place, ce n'est pas la place où le hasard m'a mis. Le désastre, je le vois. Comment ne pas le voir ? Le désastre a déjà eu lieu lorsque je commence à écrire. Je prends des notes sur ce qui a résisté et c'est forcément du tout petit, et c'est incomparablement grand, puisque cela a résisté. puisque l'éclat du jour, un mot d'enfant ou un brin d'herbe ont triomphé du pire. Je parle au nom de ces choses toutes petites, J'essaie de les entendre.
Christian Bobin
Dans notre époque ivre d’illusions
Dans notre époque ivre d’illusion, en proie au présent perpétuel et aux diversions consolatrices, une voie continuait de professer la plus ancienne des leçons.
Elle me disait tout bas, large et vive : regarde, tout est beau, tout est tourment et tout est grâce, tout finit et recommence ; tout recommencera, sans toi.
Nicolas Matthieu, préface à “Que ma joie demeure” de Giono.
Le passé et le jadis
Avec chaque amour on change de passé.
Avec chaque roman qu'on écrit ou qu'on lit on change de passé.
Voilà le passé.
Voilà ce qui détermine le passé par rapport au Jadis.
On change de passé alors qu’on ne change pas de jadis.
Pascal Quignard
Ce que nous voulons et ce que nous faisons
Les vies que nous vivons sont des ponts sur l'immense fleuve des possibilités, suspendus à deux pylônes : ce que nous voulons et ce que nous faisons.
Dans une vie idéale - une vie de sens et d'accomplissement profond - le gouffre de l'être se comble et les pylônes convergent : nous créons ce que nous voulons voir exister.
Maria Popova
Nous vivons ici bas
Nous vivons ici-bas une main serrée sur la gorge.
Que rien ne soit possible était chose connue de ceux qui inventaient des pluies et tissaient des mots avec la torture de l'absence. C'est pourquoi il y avait dans leurs prières un son de mains éprises du brouillard.
Alejandra Pizarnik
Quel sera votre Second Act
" Lorsque vous jouez la mauvaise note, c'est la note suivante qui la rend bonne ou mauvaise..."
Miles Davis
Il y a une gigantesque déconnexion à l'œuvre dans la société. On nous dit qu’il y a une app pour ça, une pilule pour ça, une posture de Yoga pour ça, mais la vérité c’est que nous n’avons pas mis à jour nos outils intérieurs de fabrication du sens, y compris au travail, face à une société ou des phases de vie qui ont radicalement changé.
Découvrez Second Act, mon cabinet de transition de vie, un passeport de sérénité pour la deuxième partie de vie.
Les Screeenthoughts de la semaine
Un introverti est un extraverti qui a du goût
Il n’y a qu’une confiance
Apprentissage de l’humilité
Signe des temps et temps des signes
Cela fait à peu près un an que je vous bassine avec la tendance du post-performatif. Dernier avatar -paradoxalement performatif- du post-performatif : la Space Out Competition où des centaines de gens partout sur le globe se rassemblent dans des lieux publics pour faire : rien.
Une ébauche d’espoir ? Le monde entame sa phase de De-Kardashianisation
La nostalgie a envahit le streaming : y’a t-il de la place pour de la nouvelle musique ?
L’art du titre : Non, votre enfant n’est pas HPI, vous êtes juste riche
C’est tout pour cette semaine. Rendez-vous la semaine prochaine, dans la vraie vie, dans mon cabinet de transition de vie Second Act ou dans votre boîte mail avec une nouvelle lettre de Umanz.
D’ici là gardez le cap 🧭.
Waloyo Yamoni, nous surmontons le vent.
Cette newsletter est avant tout un projet e cœur. De nombreuses personnes et sociétés me demandent souvent : comment travailler ensemble ? Actuellement, je consacre 80% de mon temps à “Second Act”, mon cabinet de transition de vie. 10% de mon temps à des Keynotes en entreprise sur les Soft Skills élégants: la Curiosité, l’esprit du débutant, l’émerveillement, l’impact, la loyauté, l’art de la conversation etc. Ainsi que des ateliers et séminaires exclusifs pour les comités de direction. Et 10%, par pur plaisir, à une activité de conseil en positionnement et en identité d’entreprise que j’ai gardée de mes anciennes activités chez Google, Reuters et Dow Jones. Elle me permet de produire des contenus uniques, aussi différenciés que des guitaristes punks dans un orchestre de mariachis.
Merci pour ce bouquet inspirant, comme souvent .
Une remarque : la citation de Rob Henderson n’est pas de Rob Henderson, mais de Nikita Mikailhov
cf : https://x.com/robkhenderson/status/1810093218438250791?s=46&t=XlyJBNEhfsnXM5mBGNk3ng