La lettre de Umanz : 🖋️Désapprendre, un talent pour le 21ème siècle
Je ne sais pas pour vous mais pour moi le Covid aura été l’occasion d’étonnants désapprentissages domestiques, familiaux et professionnels. Le processus n’est pas fini. C’est l’occasion de vous parler cette semaine d’un art méconnu mais de plus en plus utile : l’art de désapprendre.
C’est aussi l’occasion, en ces temps paradoxaux, de méditer ce texte de Mark Twain, étrange reflet de notre époque et qui ouvre cette nouvelle édition de la lettre de Umanz :
C’était le meilleur et le pire de tous les temps
C’était le meilleur et le pire de tous les temps, le siècle de la folie et celui de la sagesse ; une époque de foi et d’incrédulité ; une période de lumières et de ténèbres, d’espérance et de désespoir, où l’on avait devant soi l’horizon le plus brillant, la nuit la plus profonde ; où l’on allait droit au ciel et tout droit à l’enfer.
Bref, c’était un siècle si différent du nôtre, que, suivant l’opinion des autorités les plus marquantes, on ne peut en parler qu’au superlatif, soit en bien, soit en mal.
Charles Dickens (A tale of two cities) 1859.
A la Une cette semaine
L’art de désapprendre
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À force de répéter l’une des phrases les plus connues d’Alvin Toffler: “The illiterate of the 21st century will not be those who cannot read and write, but those who cannot learn, unlearn, and relearn”, on s’est souvent concentré sur l’aspect apprendre ou ré-apprendre, notamment avec l’émergence du lifelong learning, mais peu se sont penchés sur l’art de désapprendre.
Aujourd’hui, on dit encore d’une personne qu’elle apprend bien, rarement qu’elle désapprend bien.
"Voyons les choses autrement”
"Quand le contexte autour de vous change vous devez désapprendre." plaide Navi Radjou. Et, le premier signe de la nécessité de désapprendre est un changement dans votre environnement.
Car souvent le désapprentissage est une nécessité. Il apparaît lorsque les précédentes connaissances, savoir-faire ou bonnes pratiques enracinées se révèlent obsolètes.
Désapprendre est un processus qui réclame un dose d'humilité et de clairvoyance. Désapprendre commence par trois questions explique Navi Radjou :
Qu’est-ce qui doit changer ?
Pourquoi je fais cette chose ?
Comment je fais cette chose ?
Le processus de désapprentissage (unlearning chez les anglo-saxons) commence donc par un changement de perspective. A une époque d'accélération de l'innovation ce changement de perspective doit devenir une agilité. Souvent, il implique de sortir de sa zone (géographique, technique, statutaire) de confort.
Qu’avez vous désappris aujourd’hui ?
Il existe une question absolument vertigineuse que personne ne se pose c'est : que dois-je désapprendre pour progresser ?
On a tous désappris quelque chose : que fumer n'était pas cool ? Que certaines pubs n'étaient pas ok... Et pourtant, beaucoup d'entre nous achètent la dernière version de l'iPhone dès qu'elle sort.
Pourquoi, parce que parfois les pensées sont encore plus enracinées que les habitudes...En bref, on arrive à changer ses vieux habits pas ses croyances.
Désapprendre est un processus sélectif
Cela passe parfois par la capacité à prendre du recul sur ses comportements. S’arrêter et dézoomer. Comprendre par exemple : combien de fois la course à l’indicateur vient-elle obscurcir l’objectif réel :
“Pour moi, comme pour la plupart des étudiants, la façon dont on notait ce que j'apprenais a complètement supplanté l'apprentissage véritable à l'université.”
Une des premières leçons à désapprendre chez les étudiants plaide ainsi le VC Paul Graham, est de différencier la qualité de qui a été enseigné du niveau de ses notes.
Le processus d'Unlearning devient donc une dynamique et une gymnastique ou le discernement aide à faire la distinction entre ce qui doit être appris et ce qui peut être désappris.
Les ennemis du désapprentissage
Comme souvent dans les processus d’unlearning, les obstacles au changement tiennent à la force de l’habitude, le fameux “on a toujours fait comme cela” demeure l’obstacle éternel à la fertilité de l’esprit du débutant.
Il s’agit donc de creuser au plus profond pour comprendre les mécanismes de la résistance au changement. A cet égard, l’une des raisons principales de la difficulté à désapprendre tient à ce que la Harvard Business Review a identifié comme la peur de perdre la face “Loss of Face”. Dans ce schéma, les managers se concentrent sur ce qu’ils vont perdre (taille de l’équipe, titre, zone d’influence) et non sur ce qu’ils vont acquérir. Une posture de résistance au désapprentissage qui montre combien il est fréquent, dans une communauté professionnelle, que la perte d’une croyance ou d’un stéréotype soit vécue comme la perte d’une identité.
Apprendre à désapprendre
Désapprendre réclame d’examiner son processus de pensée et d’acquisition il faut d’abord :
1- Comprendre les mécanismes de validation
"Most people don’t want accurate information, they want validating information.
Growth requires you to be open to unlearning ideas that previously served you."
— Jim OShaughnessy (@jposhaughnessy) June 10, 2021
Réaliser que la plupart du temps le réflexe est de chercher des informations validantes plutôt qu’exactes. Un état d’esprit en croissance (Growth Mindset) oblige parfois à faire l’effort de désapprendre des idées qui vous ont longtemps servi.
L’intelligence c’était penser et apprendre aujourd’hui l’intelligence c’est savoir repenser et désapprendre explique le psychologue Adam Grant. Pour cela il faut savoir s'observer réfléchir et essayer de comprendre de manière ouverte.
2- Substituer la joie à la peur et apprécier le décalage
"Transformation is more about Unlearning than learning."
Richard Bohr
Il faut ensuite avoir l’agilité et la volonté de remplacer la peur du changement par la joie de la découverte. Un processus parfois ardu car l’ unlearning ne prend sa valeur que dans le remplacement. En substituant “une méthode par une autre” il faut savoir se souvenir de la précédente tout en recherchant la valeur du nouveau.
Désapprendre est donc souvent un équilibre entre deux postures dans un mouvement de balancier. Il faut savoir constater l’obsolescence d’une pensée ou d’une croyance et la remplacer par une pensée plus élevée. C’est la source de tout changement.
Désapprendre c’est s'alléger
“E pur si mueve”
Galilée
Le désapprentissage est aussi un salvateur à l’ère de l’infobésité vertigineuse, le Docteur Ken Spring de l’Université de Belmont explique qu’à l'âge de 18 ans un étudiant a en moyenne consommé 30.000 heures de médias divers et variés et 15.000 heures de cours une accumulation qui cristallise les connaissances, les expériences et les opinions. Cet encombrement devient difficile à gérer dans une vie moyenne qui nous verra exercer 10 différents jobs qui changeront, en moyenne, tous les 4 ans.
Désapprendre : un apprentissage à l’envers
Désapprendre en s’allégeant réclame ainsi d’aller chercher des idées qui parfois contredisent nos opinions, nos réflexes ou nos croyances. Dans un nouveau monde, les anciennes règles ne s’appliquent plus et de nouveaux univers se créent chaque jour. C’est pour cela qu’une entreprise apprenante doit aussi savoir être une entreprise désapprenante.
"J'explique à mes étudiants que si une question bouleverse leurs fondations peut être que le problème n’est pas dans la question mais dans leurs fondations”.
Ken Spring
Désapprendre est une source de créativité
L’un des premiers bénéfices du processus de désapprentissage est la créativité. Jim Copacino un célèbre créatif publicitaire qui a tenté de déconstruire le mystérieux processus créatif a mis à jour ce schéma tout à fait inédit :
“ Les meilleures idées coulent librement d’un process intensif et immersif d’apprentissage suivi de la volonté de désapprendre...Un état subtil entre l’expertise et la naïveté intentionnelle.”
In fine, apprendre et désapprendre sont des cycles naturels pour les individus comme pour les organisations. Ce sont les deux faces d’une même pièce : la croissance personnelle.
Désapprendre est à la fois une habitude, une responsabilité et une leçon de vie. C’est pour cela que les leçons des désapprentissages sont les plus précieuses. Désapprendre s’apprend et c’est là le plus beau des paradoxes.
Que devez vous désapprendre cette année ?
3 Tweets sinon rien
Celui-là (le grand avantage de vieillir), celui-ci aussi (la règle d’or du VC Crypto). Et enfin celui-là (n°1 du bêtisier des services clients).
“If she finds out we are powerless…We’re fucked”
L’impuissance d’être parents vu par… Les Sopranos
Dans un épisode devenu mythique. Tony et Carmela discutent une récente incartade commise par leur fille, Meadow :
- Carmela : Quand tu es parent aujourd'hui, t'es sur un baril de poudre, peu importe ce que tu fais. Tu lui enlèves sa voiture et tu deviens son chauffeur. Tu la punis, tu dois rester à la maison les week-ends et devenir gardien de prison.
- Tony : Tu la jettes dehors, les services sociaux la ramènent et on se retrouve devant le juge. Elle n'a pas encore 18 ans.
- Carmela : C'est ça ta solution ? Mettre ta fille à la porte ?
- Tony : Tout ce que je dis, c'est qu'avec les lois d'aujourd'hui, tu ne peux même pas tenir ton enfant physiquement. Elle pourrait te poursuivre pour maltraitance.
- Carmela : Il doit y avoir des conséquences.
- Tony : Et il y en aura, je t'entends. Mais ne surjouons pas nos cartes. Parce que si elle comprend qu'on est impuissants, on est foutus.
La confiance VS la connaissance
Les Screenthoughts de la semaine
L’école des gens
Proof of Collapse
La valeur cachée de ne pas faire les choses
Romy Schneider a deux mots à nous dire
Romy Schneider
Les Pépites de la semaine
Quelques pépites cette semaine extraites des revues de presse thématiques réalisées pour nos clients :
👨🎓 Le nombre d’étudiants a chuté de 1,5 million aux Etats-Unis en 5 ans. À 71%, c’étaient des hommes.
🏖️ WTF d’or de la semaine : pendant ce temps là, à Tulum
🤑 Il ne manquait plus qu’eux Et voici les Finfluencers
👷 Néo-Pionniers : voici aussi les travailleurs du Metaverse
🦄 Qu’est-ce qui fait mourir de rire la GenZ ? Çà (chez moi en tout cas)
C’est tout pour cette semaine. Je vous retrouve la semaine prochaine pour de nouvelles nuances de sens. Et d’ici là, gardez le cap.
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