La lettre de Umanz : 🖋️en absentiel
La vraie joie dans le métier de curateur est certainement la capacité à collectionner des nuances. Au fond, tout curateur est un collectionneur de nuances.
Ma dernière nuance 🤔 et si l'essentiel d'une vie professionnelle consistait à comprendre la différence entre : "je vaux mieux que ça" et "je veux mieux que ça" ?
L’essai d’aujourd’hui “En absentiel” est né de nuances perçues, au cours de nombreuses conversations amicales ou professionnelles, dans nos façons de vivre nos vies empêchées, le quotidien du Covid, du couvre-feu, des confinements et de l’incertitude.
Parmi mes collections de nuances, il y a celles qui rendent les émotions palpables, qui les désenfouissent en quelque sorte, comme ce magnifique texte de Pascal Quignard, qui ouvre la lettre aujourd’hui :
Je vous garde pour votre douleur, non pour votre art
“Vous pourrez aider à danser les gens qui dansent. Vous pourrez accompagner les acteurs qui chantent sur la scène. Vous gagnerez votre vie. Vous vivrez entouré de musique mais vous ne serez pas musicien. Avez-vous un cœur pour sentir? Avez-vous un cerveau pour penser ? Avez-vous idée de ce à quoi peuvent servir les sons quand il ne s'agit plus de danser ni de réjouir les oreilles du roi ?
Cependant votre voix brisée m'a ému. Je vous garde pour votre douleur, non pour votre art.”
Pascal Quignard, Tous les matins du monde
A la Une cette semaine
En Absentiel
Il y avait une crise, il y avait l’ennui. Il y avait aussi l’anxiété mentale, économique. Il y avait aussi deux lignes de fronts si différentes qu'on aurait dit des univers parallèles.
On n’avait pas d’avenir. On ne s'autorisait plus le futur.
William Gibson l’avait très bien expliqué au début la pandémie
"J’ai grandi devant une télé en bois en 1953 on entendait souvent. Le XXIème siècle arrive. Combien de fois entendez vous parler du XXIIème siècle. On ne parle jamais du XXIIème siècle. Nous n’avons plus de futur en ce sens où nous n’avons plus ce genre d’anticipation culturelle"
William Gibson @greatdismal dans le New Yorker
Alors petit à petit, on s’est mis en retrait de l’espoir, de l’action, de la politique et pour certains d’entre nous de la raison peut-être.
Nous étions en absentiel.
La grenouille qui bout et la grenouille qui fait des Zoom
On avait brouillé nos marqueurs de temps, nous étions entrés dans une vie lisse où les seuls bas et hauts étaient désormais digitaux, nous rêvions de nous agripper, nous manquions de physique, nous avions la nostalgie de la foule. Dans les calls professionnels, nous expérimentions chaque jour “la présence de l’absence”.
Nos rites et nos liminalités étaient empêchés.
A quoi bonisme 4.0
On avait l’impression que les grands leaders de ce monde avaient perdu les manettes, que les vieilles idéologies sonnaient creux, car elles sonnaient simples et que personne ne disait la brutalité du monde VUCA.
C’est là que beaucoup désertèrent en masse le réel, il était si décevant. Interdits de toucher, il s’abstenaient d’être au monde. En ravageant notre sens du temps, la pandémie avait ravagé notre sens des autres. Nous étions devenus des Wall E 2.0
Pendant que nos vies ralentissaient, l’actualité s’accélérait, la gorafisation du monde devenait palpable. Même le scénariste de Handmaid's Tale s’interrogeait sur l’accélération dystopique du monde.
Les opinions étaient pulvérisées. Dans les esprits, dans les familles, les fractures étaient inédites. La polarisation ne savait plus où donner de la tête.
À quelques jours du printemps on avait atteint le climax : Plus personne n’était content...mais pour des raisons différentes.
Nous étions à tâtons, en permanence.
La vie en mode projet
On vivait au rythme des courbes, des gestes barrières devenus automatiques. Derrière les masques, nous avions les yeux las.
Au boulot, l’occupé 3.0 triomphait à coup de panic meetings. Les coordinateurs avaient remporté la bataille sourde contre les créateurs. Chaque jour était un projet. Quant aux décideurs, ils avaient cessé de décider.
A défaut d’action décisive, nous planifions et replanifions un monde d’après de plus en plus inscrutable. On faisait semblant, on distribuait des Inaction Points.
On avait des émotions absentes, des questions absentes, des urgences absentes, autant de sujet balayés maladroitement sous le tapis de souris.
Dehors, il faisait beau, mais dehors était une nostalgie, on regardait les vieux films où les gens s’entassaient dans les trains et les aéroports comme des documentaires d’une période révolue.
L’extraordinaire de l’époque nous avait chassé dans l’ordinaire.
On attendait (toujours) les vaccins, on attendait que 2021 ressuscite.
On attendait, les gens, la foule,
On attendait le présentiel.
3 tweets sinon rien
Les 3 tweets de la semaine : le premier (Zoom fatigue 1), le deuxième (oh noooonnn !) et le troisième (Zoom fatigue 2).
Grand mère, c’était quoi le courage ?
Credits : Marina Ginesta
L’Amitié version longue et version courte
L’amitié, vous connaissiez la version longue. Voici la version courte.
Les Screenthoughts de la semaine
Les Screenthoughts sont de petites pensées capturées ailleurs
L’épidémie des expliqueurs
Ego 1 - Spiritualité 0
Les fictions d’Excel
Mental Kit ?
Kristin Scott Thomas a deux mots à vous dire :
“Vous connaissez les kits de pharmacie qui vous indiquent lorsque vous êtes enceinte? Ils devraient en avoir un qui vous indique quand vous êtes sain d'esprit.”
La Revue de Presse de la semaine
Quelques pépites sélectionnées parmi les revues de presse réalisées pour nos clients.
🚗 L’effet Osborne au secours de la planète
🏙️ Des villes décentralisées ?
☎️ Pourquoi vous êtes plus intelligent au téléphone qu’en visio ?
🧟 Office Tech, Slack & Co le paradoxe de productivité
🌎 La Tech peut-elle résoudre le dérèglement climatique ?
🚸 Tanguy 4 le retour. L’inexorable retour des tanguy covidiens.
❓ La question absolument essentielle. Pourquoi les barres de progression ont toujours tort ?
A la semaine prochaine. Passez un splendide week-end (quoi qu’il en coute), restez humains et gardez le cap.
Cette newsletter est avant tout un projet de cœur. De nombreuses personnes et sociétés nous demandent souvent : comment travailler ensemble ? Sachez que nous réalisons des carnets de tendances annuels (réservez votre session aujourd’hui ), des newsletters sectorielles, ainsi que de nombreux ateliers, conférences et séminaires exclusifs.
Nous avons également une activité de conseil en positionnement et identité d’entreprise et réalisons des contenus aussi différenciés que “des guitaristes punk dans un orchestre de mariachis” pour les entreprises, les professionnels et les marques. N’hésitez pas à nous solliciter.