Chaque semaine grâce à Umanz, je rencontre beaucoup de professionnels, coachs, thérapeutes et dirigeants. De toutes ces conversations passionnantes il ressort que le sens au travail change à la fois de direction mais aussi de périmètre.
Cette semaine je vous parle de la vie qui va avec. Une autre façon d'aborder l'éternelle question du sens.
Avant cela, petit pas de côté avec un texte méditatif et formidablement prescient de Romain Gary :
Le monde est devenu excessivement visible
Finalement, tout ça se réduit à un excès d’informations sur nous-mêmes. Autrefois, on pouvait s’ignorer. On pouvait garder ses illusions. Aujourd’hui, grâce aux médias, au transistor, à la télévision surtout, le monde est devenu excessivement visible. La plus grande révolution des temps modernes, c’est cette soudaine et aveuglante visibilité du monde. Nous en avons appris plus long sur nous-mêmes, au cours des dernières trente années, qu’au cours des millénaires, et c’est traumatisant. Quand on a fini de se répéter mais ce n’est pas moi, ce sont les nazis, ce sont les Cambodgiens, ce sont les… je ne sais pas moi, on finit quand même par comprendre que c’est de nous qu’il s’agit. De nous-mêmes, toujours, partout. D’où culpabilité. Je viens de parler à une jeune femme qui m’avait annoncé son intention de s’immoler par le feu pour protester. Elle ne m’a pas dit contre quoi elle voulait protester ainsi. C’est évident, d’ailleurs. Le dégoût. L’impuissance. Le refus. L’angoisse. L’indignation. Nous sommes devenus im-pla-ca-ble-ment visibles à nos propres yeux. Nous avons été brutalement tirés en pleine lumière et ce n’est pas jojo. Ce que je crains, c’est un processus de désensibilisation, pour dépasser la sensibilité par l’endurcissement, ou en la tuant, par le dépassement, comme les Brigades rouges. Le fascisme a toujours été une entreprise de désensibilisation.
Romain Gary, (L’angoisse du Roi Salomon). 1979.
A la Une : la vie qui va avec
Plutôt que poser la question veux tu faire ce job la question plus intelligente est souvent veux-tu la vie qui va avec ?
Quand on fantasme sur un métier, on va souvent regarder le salaire, les études, les expertises nécessaires et les entreprises emblématiques du secteur. Au mieux, on aura lu quelques articles sur un ou deux professionnels iconiques. Étrangement, la plupart des articles jetteront un voile pudique sur la vie réelle des professionnels en question, non pas parce qu’elle abrite un magnifique jardin secret mais souvent parce qu’elle masque un champ de ruines.
Aujourd’hui, seulement 22% des diplômés finissent par exercer un métier correspondant à leur diplôme. Souvent leurs rêves ont buté, sans le savoir, sur cette fameuse “vie qui va avec”.
Savez-vous qu’un joueur de foot de ligue 1 s’entraîne 4 à 6 heures par jour ? Connaissez vous sa diète hebdomadaire ?
Savez-vous que pendant des années un vétérinaire en province est réveillé en moyenne trois par semaine pour des urgences nocturnes ? Savez vous ce que c’est d’aider une vache à vêler ?
Savez-vous qu’un avocat en droit des affaires et un banquier d’affaires vont très souvent et pendant 10 ou 15 ans ans se coucher à 3 heures du matin sans voir leurs enfants pour repartir à 7 heures au boulot après 4 heures de sommeil et une douche rapide ?
Savez-vous qu’un sous-marinier passera en moyenne 3 mois sous l’eau pendant 15 ans de sa vie sans voir sa famille ?
Connaissez-vous l’exigence intense des phases de debug d’un jeu vidéo ?
Savez-vous qu’un acteur de théâtre doit parfois retenir plus de 1000 lignes ?
Savez-vous ce que c’est qu’une charrette en agence créa ?
Savez-vous que 38% des femmes dans la Tech envisagent de quitter leur job dans les deux ans et que 50% d’entre elles le quitteront avant 35 ans ? Savez vous pourquoi ?
Savez-vous qu’un pianiste professionnel s’exerce chaque jour 4 heures en moyenne ?
Connaissez-vous les taux de divorce de votre profession ? Selon les études les danseurs-chorégraphes, responsables dans les jeux-vidéo seraient en tête du palmarès des professions qui divorcent le plus, d’autres mentionneraient les journalistes et les avocats. Le plus faible taux de divorce, 2%, touchant les…ingénieurs agronomes.
Connaissez-vous les taux de mortalité par profession savez vous qu’ils varient de 1 à 3 selon les métiers ?
Pourtant, il suffirait parfois d’observer un professionnel pendant quelque temps, tout simplement lui poser la question ou mieux encore, demander à son conjoint de vous expliquer sa vie pour connaître les secrets, les risques, les joies et les écueils de la vie qui va avec.
Dans cette période d’intense rééquilibrage entre les sphères privées et professionnelles “la vie qui va avec” apparait toujours comme l’angle mort des orientations et des choix professionnels. Alors, pourquoi ne pas lancer une nouvelle collection en librairie : plutôt que “Ingénieur Java Pour les nuls” on aurait “Ingénieur Java, la vie qui va avec” avec des interviews fleuves des conjoints et des enfants ? Ou pourquoi ne pas remettre au salarié une fiche de la « vie qui va avec » avec la fiche de poste ? Et à quand des jobs indexés sur des Indicateurs de Qualité de Vie universels ?
De tels livrets constitueraient une lecture préventive voire curative. Ils permettraient d’équilibrer les quêtes simplistes et déceptives des attributs extérieurs tout en gardant les lecteurs à l’abri de la toxicité des désirs mimétiques.
La vie qui va avec pose la question de la centralité du travail mais ce n’est pas uniquement une question de vie privée. Il serait de même réducteur de la réduire à une démarche strictement hédoniste. Car la vie qui va avec permet d’apprécier la totalité de la charge mentale qu’un job fait rejaillir sur tous les pans d’une vie. C’est pourquoi, et de plus en plus, le sens au travail, dans sa globalité, se construit aussi dans la « vie qui va avec« .
In fine, réfléchir à la vie qui va avec est un modèle mental qui permet d’ouvrir une gamme de choix qui joue pour vous et non contre vous contrairement à certains choix précipités ou directement hérités de la pression familiale. La qualité de vie est un score interne, ne l’optimisez pas sur les métriques des autres.
Il n’y a pas de destination sans voyage. Les gens veulent souvent la vie d’Untel ou d’Unetelle, rarement la vie qui va avec. Nous idolâtrons les réussites, jamais la vie qui y a mené…Une autre manière de rappeler que souvent ce qui compte dans le choix d’un métier n’est pas uniquement la qualité de vie au travail (QVT), mais aussi la qualité de vie pas au travail (QVPT).
3 Tweets sinon rien
SNAFU : Signe de fin du monde #769
Et bonnes vacances surtout
RIP les Maths
Les Screenthoughts de la semaine
Ne coupe rien
Red mirror
La juste échelle des idées
Connaissez-vous la Zemblanité ?
la Zemblanity/ Zemblanité est un terme inventé d’après l’ile de Zemble située aux antipodes de l’île de Serendip (Ceylan) qui a donné son nom à la Serendipity (les heureux hasards).
La Zemblanity / Zemblanité est une idée née chez William Boyd dans son roman Armadillo et décrit la faculté de faire à dessein des découvertes malheureuses, malchanceuses et totalement attendues.
Par exemple, vous ne voulez pas allez diner chez untel car les conversations sont plates et la nourriture infecte. Vous y allez quand même et on vous sert le plat qui vous rend allergique, en face de votre pire ennemi.
Les pépites de la semaine
🌍 Après les Etats-Nations, les Digital Continents. Voici Afropolitan
☢️ Où vas-tu ? Dans mon hôtel volant nucléaire et toi ?
🌳 Le vol d’arbre a pris des proportions industrielles…
🎤Neon Money Club : “Ownership is the new drip™… Attention ça va aller vite. L'hybridation inédite : quand le monde du Rap, rencontre le monde de l’argent et de l’ownership economy.
C’est tout pour cette semaine, pas de Umanz la semaine prochaine, je vous retrouve le 22 juillet pour la dernière édition de l’été avec de nouveaux fragments de sens et le grand retour des idées qui murmurent. Excellent week-end, et, comme toujours, gardez le cap.
Cette newsletter est avant tout un projet de cœur. De nombreuses personnes et sociétés nous demandent souvent : comment travailler ensemble ? Sachez que nous réalisons des carnets de tendances annuels (réservez votre session dès maintenant), des newsletters sectorielles, ainsi que de nombreux ateliers : curiosité, esprit du débutant, émerveillement, impact etc. Ainsi que des conférences et séminaires exclusifs pour les comités de direction.
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La Zemblanité ressemble à s'y méprendre à la Loi de l'Emmerdement Maximum, peut être avec l'intention en plus ?