La lettre de Umanz : đĄl'insight secret du bullshit
âLâherbe est toujours plus verte dans le jardin fertilisĂ© au bullshitâ
A la base de Umanz, il y a un intense rejet du Bullshit sous toutes ses formes et dans mes réflexions sur le sens au travail, cette interrogation permanente sur les Bullshit Jobs si bien décrits par le regretté David Graeber :
« Un boulot Ă la con est un boulot si inutile, absurde, voire nĂ©faste, que mĂȘme le salariĂ© ne peut en justifier lâexistence, bien que le contrat avec son employeur lâoblige Ă prĂ©tendre quâil existe une utilitĂ© Ă son travail. »
Mais lâune des vertus dâun monde complexe est aussi la capacitĂ© Ă penser contre soi-mĂȘme. Or, Ă la faveur de lâune de mes explorations, je suis tombĂ© il y a quelques semaines sur un insight troublant sur notre capacitĂ© Ă absorber le bullshitâŠ
Il parle de notre tolérance ou plutÎt de notre intolérance au bullshit.
Je vous en parle tout de suite.
Avant cela, je vous invite à méditer sur ce petit texte étrangement provocateur du mystérieux -et trÚs culte- auteur de Shibumi :
Ta plus grande faiblesse
âTa plus grande faiblesse nâest pas ton manque dâexpĂ©rience. Câest ton mĂ©pris. Tes dĂ©faites ne viendront pas de plus forts que toi. Elles te seront infligĂ©es par le patient, le bĂ»cheur, le mĂ©diocre.â
Trevanian aka Rodney William Whitaker (Shibumi)
Lâinsight secret du Bullshit
âL'herbe est toujours plus verte dans le jardin fertilisĂ© au bullshitâ
Il arrive que certaines phrases saisies à la volée fassent un sens immense.
Dans le podcast de Tim Ferriss, Morgan Housel Ă©voque une confidence dĂ©routante de Steven Pressfield, cĂ©lĂšbre auteur de âLa lĂ©gende de Bagger vanceâ, qui a travaillĂ© dans sa jeunesse dans un asile psychiatrique.
En cĂŽtoyant les patients, il sâest fait cette troublante rĂ©flexion, ces gens nâĂ©taient pas fous. Ils Ă©taient juste lĂ car ils ne supportaient plus le bullshit du rĂ©el :
"Les gens de cet établissement, avec lesquels nous avions l'habitude de passer du temps dans la cuisine et de parler toute la nuit, étaient parmi les personnes les plus intelligentes que j'aie jamais rencontrées, les plus drÎles et les plus intéressantes."
Et ce que j'ai conclu en traßnant avec eux et avec d'autres personnes dans une situation similaire, c'est qu'ils n'étaient pas fous du tout. Ils étaient en fait des gens intelligents qui avaient vu au delà du bullshit. Et à cause de cela, ils ne pouvaient pas fonctionner dans le monde.
Ils ne pouvaient pas garder un emploi parce qu'ils ne supportaient pas le bullshit, et c'est ainsi qu'ils se sont retrouvés dans des institutions. La société pensait : "Ces gens sont des rebuts absolus. Ils ne peuvent pas s'intégrer." Mais en fait, c'étaient des personnes qui voyaient vraiment à travers tout."
Steven Pressfield
Ce constat nous interroge sur un étrange paradoxe : la tolérance au bullshit comme fonction de la normalité.
Quelle est ta tolĂ©rance au bullshit ?Â
âIl y un niveau optimal de tolĂ©rance au bullshit dans le monde. Si ta tolĂ©rance au bullshit est zĂ©ro tu nâarriveras pas Ă vivre dans le monde" plaide Morgan Housel qui voit dans cette tolĂ©rance au bullshit un talent masquĂ© pour opĂ©rer dans le monde.
Pour lui la question essentielle devient donc non pas : comment je peux Ă©viter le bullshit mais, quel est le niveau optimal de tolĂ©rance qui me permet de continuer Ă fonctionner dans ce monde imparfait et chaotique ?Â
Car par nature, le monde est rempli de bullshit comme nous le rappelle Harry Frankfurt dans son cĂ©lĂšbre essai : "Le bullshit est inĂ©vitable lorsque les circonstances obligent quelqu'un Ă parler sans savoir de quoi il parle".Â
Attention c'est une ligne de crĂȘte : lâautre extrĂȘme du spectre, lâacceptation totale du non sens et des conflits est tout aussi nocive et contreproductive et le monde vous dĂ©vorera tout cru.Â
Câest parfois ainsi que la sociĂ©tĂ©, les familles et les entreprises fonctionnent : en acceptant un certain niveau de dysfonctionnement, dâĂ©motions complexes, dâignorance stratĂ©gique, de fraudes, de narratif de soi falsifiĂ©âŠÂ
Il cite pour exemple Roosevelt, privĂ© de ses jambes, qui avait lâhabitude de dire : "Si vous ne pouvez pas utiliser vos jambes et qu'on vous apporte du lait alors que vous vouliez un jus d'orange, vous apprenez Ă dire : "C'est ok, je vais le boire".
Alors, oui, certains jours, on a envie de brandir son poing Ă la face du monde. Mais pour survivre au bullshit, il y a du talent Ă reconnaĂźtre la nuance entre lâacceptation, lâendurance et le dĂ©tachement abstrait. Ce talent, pas si rĂ©pandu, est souvent un talent mĂ©connu.Â
C'est pour cela que le conseil de Morgan Housel est dâenvisager le prix Ă payer pour ses difficultĂ©sâŠEt de le payer.Â
In fine, le vrai talent nâest donc pas dâidentifier le bullshit, mais de vivre avec.
"Pip voyait des multitudes d'insectes de corail, dieux omniprĂ©sents, qui, du firmament des eaux, soulevaient l'orbe colossal de l'Univers. Il voyait le pied de Dieu posĂ© sur la pĂ©dale du mĂ©tier Ă tisser le monde, et il le disait, et c'est pourquoi ses compagnons le traitaient de fou.Â
Herman Melville, Moby Dick
3 tweets sinon rien
Sans doute le plus grand regret Ă lâĂ©chelle dâune vie

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Ton job est il au-dessus ou en dessous de l'API ?
Les pépites de la semaine
Voici quelques pépites de sens (ou de non sens) à lire ailleurs, issues des newsletters réalisées pour nos clients :
đ©âđ» Hyper Interesting : les Techs de super distance
đ€ Si, Il y a une diffĂ©rence entre kind et nice
đ€ł EsthĂ©tique post-instagram : et si lâon crĂ©ait des endroits Non-Instagramables ?
đ€ Mais oĂč bossent les geeks les plus performants ?
đ Quand la Mode rencontre la Mental tech : plongĂ©e dans le phĂ©nomĂšne des anxiety rings ?
Câest tout pour cette semaine, Je vous retrouve la semaine prochaine avec de nouvelles Ă©tincelles de sens, sâil en reste.
Excellent week-end Ă tous, et comme toujours, gardez le cap.
Cette newsletter est avant tout un projet de cĆur. De nombreuses personnes et sociĂ©tĂ©s nous demandent souvent : comment travailler ensemble ? Sachez que nous rĂ©alisons des carnets de tendances annuels (rĂ©servez votre session dĂšs maintenant), des newsletters sectorielles, ainsi que de nombreux ateliers (curiositĂ©, esprit du dĂ©butant) confĂ©rences et sĂ©minaires exclusifs pour les comitĂ©s de direction.
Nous avons Ă©galement une activitĂ© de conseil en positionnement et en identitĂ© dâentreprise et rĂ©alisons des contenus aussi diffĂ©renciĂ©s que âdes guitaristes punk dans un orchestre de mariachisâ pour les entreprises, les professionnels et les marques. NâhĂ©sitez pas Ă nous solliciter.
Ce papier me rappelle une vielle blague anglaise : un type arrive en enfer et on lui donne le choix entre une piĂšce avec flammes, chaines, fouets, hurlements etc. et une piĂšce oĂč les gens boivent du thĂ© dans de la merde jusqu'au genoux. Il choisit cette derniĂšre en ne le regrette que lorsque le contremaitre annonce "Fin de la pause thĂ©, tout le monde Ă 4 pattes!". MoralitĂ©: le bullshit guette partout!