À force de nier ce que l’on a au fond de soi, on finit par disparaitre.
Pourtant, passé un certain âge, on voit la différence entre ceux qui ont une vie intérieure et les autres. Sans vie intérieure, on vit sa vie en version réduite et aujourd’hui, tant de gens vivent une vie absente.
L’intériorité est peut être le secret le mieux caché des gens longs. Est-ce pour cela qu’ils sont si vastes ?
Car l’intériorité est un nid où l’âme peut se réfugier face aux agressions du monde. Mais dans une société qui ne valorise - et n’algorithmise- que l’extrinsèque, peu d’enfants sont éduqués voire encouragés à la vie intérieure.
Avant de partager mon essai sur l’intériorité, je voulais ouvrir cette lettre avec ce texte puissant de Julien Gracq qui dit tout de la perte d’intériorité qui afflige nos civilisations :
“Tout comme la couche d'air qui nous entoure protège les Terriens contre la continuelle agression cosmique, il existait, il a longtemps existé autour d'eux une couche de non-savoir, de non-chaloir, de non-lire, de non-voyager, qui protégeait leur quiétude d'esprit contre le bombardement tellurique continu des Nouvelles, et qui l'a protégée plus longtemps encore contre celui, plus corrosif encore, des Images. On commence à s'apercevoir, maintenant que notre civilisation la dissipe, que cette couche isolante était vitale. Physiquement, l'homme ne vit pas nu, spirituellement aussi c'est un animal à coquille. Et les effets de ce mortel décapage sont devant nous : érosion continue et intense de toutes arêtes vives, de toute originalité – réduction progressive du refuge central, du for intérieur — contraction frileuse de l'esprit tout – entier exposé sur toute sa surface, comme une pellicule fragile, aux bourrasques cinglantes qui soufflent sur lui de partout, irritation à fleur de peau, état de prurit et de gerçure.
On est « mal dans sa peau » : certes c'est bien dit ! à condition de savoir l'entendre. L'esprit longtemps en a eu une, et épaisse, et sainement cornée : il n'a plus qu'une muqueuse.”
L’Introverse : petit imprécis d’Intériorité
"Si un œuf est cassé par une force extérieure, la vie s'arrête. S'il est brisé par une force intérieure, la vie commence. Les grandes choses commencent toujours de l'intérieur."
Jim Kwik
Je ne sais plus quand j’ai commencé à parler d’intériorité à mes filles, peut-être à la pointe de l’adolescence. Je voulais leur parler des dangers et du vertige du tout extrinsèque.
Je voulais leur dire à quel point vivre dans l’extrinsèque était comme prendre un location dans les yeux des autres. À quel point, il était nécessaire, parfois salvateur d’avoir un espace intérieur, pas simplement un espace à soi mais un espace en soi. De comprendre et sentir qu’il y avait un mode être, bien plus fertile, bien plus profond que le mode avoir et ses miroirs aux alouettes.
Leur dire cette phrase à la fois simple et mystérieuse : il y a autre chose.
Depuis j’ai réuni mes pensées sur l’intériorité, cette étrange capacité spatiale que je retrouve chez les gens longs, une qualité en voie de disparition dans le vacarme algorithmique qui nous dévore les yeux et les oreilles.
Pourquoi les gens intérieurs s'appartiennent-ils plus que les autres ?
Peut-être parce qu'ils veillent à la beauté de l’espace qu’ils occupent. Qu’ils sont de plus en plus conscients de la valeur de ce qui, en nous, échappe chaque jour au viol des machines et à l’extraction de la data.
Peut être aussi parce qu’à un moment de la vie, ce que l’on doit être prend le pas sur ce qu’on doit faire ou avoir.
Les chemins de l’intériorité sont tous différents : lecture, méditation, silence, écriture, vie contemplative, exercices spirituels ou création. On les retrouve dans le Duende espagnol comme dans le Mono Aware Japonais. Mais le secret de l’intériorité est unique : le plus beau des paysages que vous pourrez posséder sera votre paysage intérieur.
Présent dans cet espace, présent à vous même, vous pourrez alors cultiver des pensées à la hauteur de votre âme.
"Ne te quaesiveris extra” nous rappelle Ralph Waldo Emerson : ne te cherche pas en dehors de toi même. La découverte de l’intériorié est une solitude enrichie. Mais une solitude qui est tout sauf un isolement.
C’est le prix à payer pour, petit à petit, développer une conscience de cathédrale et rejoindre comme dirait Bobin, le vaste espace de ceux qui ont “un monde en dedans”.
La question qui suit est : de quels décors, de quels éléments peupler son intériorité ?
Car il faut parfois lutter pour préserver son intériorité. L’intériorité a ses propres guerres, elle s’est souvent pris des murs pour bâtir les siens. Toute intériorité a ses cicatrices. Elle a aussi ses filtres. J’ai pour ma part façonné depuis des années mes propres filtres de sérendipité. Ils me protègent de ceux qui ont un en-dedans atrophié. Des gens dont toute l’attitude mécanique affiche ce triste message :
“Vends, intérieur, jamais servi.”
“C’est par la vie intérieure qu’on est sauvé ou perdu” est l’une des grandes leçons du poète Max Jacob.
Et c’est précisément ça que j'aurais aimé apprendre à mes trois enfants, leur faire don de ce mot. Un mot à forte énergie psychique. Leur dire que cet espace n’empêchera pas les regards mais qu’il les rendra libres des regards. Leur dire que la découverte de cet espace n’est pas un voyage mais un retour, qu'enfants, ils mettaient déjà dans cet espace leurs rêves, leurs secrets, leurs jeux et leurs questions. Que l’intériorité est l’espace où les pensées grandissent. Leur dire aussi que les plus grands amours sont parfois des rencontres rares entre deux intériorités.
Leur confier que souvent l’intériorité - et c’est la leçon des grands mythes- est la réponse à un monde aplati, une alternative aux succès creux et sans saveur. C’est la réponse à la question éternelle que tous les gens de l’intérieur se sont un jour posé : n’y a t-il donc que ça ?
Leur dire aussi que l’intériorité n’est pas un lieu fermé. Un lieu clos situé dans la tête ou sous la peau, mais qu’elle c'est est un mode de relation, une façon d’habiter symboliquement le monde.
Leur dire enfin que depuis toujours, la lutte entre le suksma hindou (le subtil, intérieur, ou spirituel) et le sthula (le grossier, tangible et matériel) est la danse du monde. Et que, oui, partout sur la planète des gens dansent, chantent ou font silence pour retourner en intériorité. Et que seule cette danse intérieure permet de reconnecter notre âme avec la danse infinie des choses.
Leur dire enfin que les voies de cette danse intime sont multiples mais que sa récompense est unique…garder son âme en vie.
Quel sera votre Second Act ?
“Vous entassez des rêves de lendemains et un jour vous vous réveillez avec des hiers vides”
Meredith Wilson
Il y a une gigantesque déconnexion à l'œuvre dans la société. On nous dit qu’il y a une app pour ça, une pilule pour ça, une posture de Yoga pour ça, mais la vérité c’est que nous n’avons pas mis à jour nos outils intérieurs de fabrication du sens et de connaissance de soi, y compris au travail, face à une société et des phases de vie qui ont radicalement changé.
Découvrez Second Act, mon cabinet de transition de vie, un passeport de sérénité pour la deuxième partie de vie.
Découvrez également le Parcours Edge-AWRNSS à destination des Entreprises.
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L’AI est elle en train de créer un Peak Software/Peak SaaS ?
C’est tout pour cette semaine je vous retrouve la semaine prochaine avec un essai très personnel que je dédie à une personne proche de mon coeur.
D’ici là, comme toujours, gardez le cap 🧭.
Waloyo Yamoni, nous surmontons le vent.
Patrick Kervern, défadeur en chef de Umanz
Cette newsletter est avant tout un projet de coeur. De nombreuses personnes et sociétés me demandent souvent : comment travailler ensemble ? Actuellement, je consacre 80% de mon temps à “Second Act”, mon cabinet d’accompagnement en transitions pro ou perso. 10% de mon temps à des Keynotes en entreprise sur les Soft Skills élégants: les secrets de l’audace, la curiosité, l’esprit du débutant, l’émerveillement, l’impact, la loyauté, l’art de la conversation etc. Ainsi que des ateliers et séminaires exclusifs pour les comités de direction. Et 10%, par pur plaisir, à une activité de conseil en positionnement et en identité d’entreprise que j’ai gardée de mes anciennes activités chez Google, Reuters et Dow Jones. Elle me permet de produire, pour les marques et les entreprises des positionnements ou des contenus uniques, aussi différenciés que des guitaristes punks dans un orchestre de mariachis.
Vos textes me parlent tellement ! Je me régale et cela nourrit mes réflexions personnelles. Merci 🙏!
La vraie rencontre ne se vit que de l'intérieur
La joie le plaisir ne peuvent éclore à l'extérieur que depuis l'intérieur