Il y a deux groupes d’élite chez les lecteurs de Umanz : la tribu de ceux qui et les gens longs. Deux groupes poreux qui souvent se rejoignent et se confondent. J’en croise souvent dans mon Cabinet Second Act.
L’une de leurs caractéristiques, c’est la qualité, la légèreté de leurs pas de côté, leur goût de l’estrangement, et leur compréhension innée des 4 piliers de la Crise de Sens et des filtres de sérendipité.
Leur élégance et leur curiosité native les amènent souvent à être des Outsiders magnifiques même au sein d’organisations prestigieuses et d’entreprises renommées et même à la tête de grandes équipes.
Mais qui pourrait leur reprocher de prendre le monde avec des pincettes à un époque où il se vend plus de poussettes pour chien que de poussettes pour enfants en Corée et où un président élu, sa femme et son fils ont raflé plus de milliards en un jour avec une monnaie fictive qu’en une vie de “labeur” doré.
L’époque réclame de nouveaux yeux et une nouvelle façon inédite de ne pas en être mais aussi de l’habiter en profondeur. Pour ma part je remâche chaque jour ces paroles d’un outsider indomptable, Hunter Thompson : “Quand le monde devient Weird. Les Weirdos passent pros.”
En 2025, le monde attend encore ses vrais Outsiders.
Je dédie cet essai à tous les outsiders, ceux qui se posent éternellement deux questions : qu’est-ce que je fous là ? et qu’est-ce qui se passe ?
Je tenais enfin à partager ce magnifique petit texte de René Char à tous les outsiders présents et futurs.
Vous tenez le monde debout.
Le texte s’appelle “Commune Présence” :
Tu es pressé d'écrire
comme si tu étais en retard sur la vie
s'il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
effectivement tu es en retard sur la vie
la vie inexprimable
la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir
celle qui t'es refusée chaque jour par les êtres et par les choses
dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
au bout de combats sans merci
Hors d'elle tout n'est qu'agonie soumise fin grossière
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
en t'inclinant
Si tu veux rire
offre ta soumission
jamais tes armes
Tu as été créé pour des moments peu communs
modifie-toi disparais sans regret
au gré de la rigueur suave
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
sans interruption
sans égarement
Essaime la poussière
nul ne décèlera votre union.
René Char
L’homme en dehors, éloge des Outsiders
En 1956, un dandy Anglais du nom de Colin Wilson publie, à 24 ans, un essai qui deviendra un phénomène de librairie. Ce livre culte “The Outsider” sera plus tard publié en France et merveilleusement traduit par Gallimard sous le titre : “L’homme en dehors”.
Le livre est un portrait intime de grands outsiders réels ou fictifs (Hesse, Dostoievsky, Nietzsche, Van Gogh, T.H Lawrence, H.G Wells, Le Roquentin de Sartre, Kafka, Nijinsky) et de leurs personnages miroirs. C’est surtout une plongée profonde dans l’intériorité de ces authentiques rebelles.
Emily Brontë, Anaïs Nin et Simone Weil sont absentes du livre, pourtant elles y auraient eu toute leur place.
Le best-seller vendu à des millions d’exemplaires, gardera longtemps une place de choix dans les bibliothèques des grandes icônes rock parmi lesquelles Jim Morrison, David Bowie et Morrissey des Smiths.
Mais qu’est-ce qu’un outsider au sens de Wilson ?
Pour l’auteur un outsider est avant tout un personnage en recherche d’intensité d’être. C’est un gardien jaloux de son expression personnelle sans cesse menacée, par la pire des banqueroute, la banqueroute spirituelle.
L’outsider, mal adapté au monde, voit trop profond, trop grand, “il ne peut vivre dans le monde confortable et isolé du bourgeois, acceptant ce qu'il voit et touche comme la réalité.” nous dit Wilson. Pour le meilleur et pour le pire, il a cette fameuse “dimension de trop” d’Herman Hesse.
En bref, il voit trop le monde, trop crûment et hors des masques. Il en ressent comme un étonnement inguérissable, souvent un estrangement indélébile : “le sentiment d'irréalité de l'Outsider coupe sa liberté à la racine. Il est aussi impossible d'exercer sa liberté dans un monde irréel que de sauter alors que l'on tombe.” explique Wilson.
Après une telle connaissance…Quel pardon ?
L’Outsider est un hyperconscient à jamais blessé par sa condition. “La nature humaine est malade et l'outsider est l'homme qui contemple cette triste vérité.” poursuit Wilson.
La quête de l’Outsider est donc souvent solitaire et quasi désespérée. Une quête affamée née d’un appétit impossible : "Il doit trouver des choses qu'il ne peut pas perdre" (Hemingway) quelque chose de vrai qui lui “remplisse l’estomac”.
Ne plus être outsider
Mais, la volonté ultime de l'outsider est de ne plus être outsider. Il cherche en vain “l'innigkeit” : ce mélange de profondeur émotionnelle et de sincérité personnelle que l’on retrouve chez les saints.
Fuyant les trivialités humaines et “la vie de surface”, il repousse sans cesse son retour au monde. Pour lui “la façon dont la plupart des hommes vivent n'est pas du tout une vie ; c'est une dérive."
On retrouve souvent chez les Outsiders, des prophètes prédestinés, des porteurs de monde. Pour toujours hors époque, ils font souvent figure de parias et d’inadaptés. Ils ne supportent pas le bullshit du monde et cherchent d’autres aspirations, un plus haut sens capable de nourrir leur nécessité d’être.
Agir pour se libérer
La libération viendra par l'acte, pas la pensée précise Colin Wilson en examinant les vie des grands outsiders. Des actes de volonté titanesques qui leur permettront de surmonter le doute et le questionnement.
L’outsider cherche ce moment Nietzschéen de "pure volonté, hors des perplexités de l'intellect.” Il cherche “le plus qu'humain versus le si humain.”
La force de vie capable de dissoudre la misère de la condition humaine.
Car quand certains vivent la course du rat, l'outsider lui, est dans une course à l'intensité. Mais cette course est sans cesse remise, interrompue, sans cesse anéantie par les trivialités et les mesquineries humaines. Un combat éreintant qui le mène naturellement vers la quête d’expériences humaines artistiques ou sensorielles extrêmes (“peak experiences”).
Exilé sur le sol au milieu des huées ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Car sans intensité, le destin de l’outsider rejoint les ailes brisées de l’Albatros ou la nausée de Roquentin. Il est parfois au bord du désespoir comme dans cette saisissante déclaration de l’un des personnages de la pièce de théâtre d’Axel Castle : "La qualité de nos espoirs ne nous autorise plus la terre."
Et pourtant, il faut continuer à vivre. Maintenir la “fureur sacrée” de Blake pour ne pas finir en homme creux, en homme empaillé (T.S Eliot), se tenir droit dans un monde aplati, se tenir à cette phrase mystérieuse de Rilke : “Malgré tout, je loue”.
Vivre haut donc et continuer à méditer cette ultime fulgurance de Bernard Shaw : “L'homme raisonnable s'adapte au monde ; le déraisonnable persiste à essayer d'adapter le monde à lui-même. Par conséquent, tout progrès dépend de l'homme déraisonnable.”
Quel sera votre Second Act ?
"On ne peut pas revenir en arrière et changer le début, mais on peut commencer là où l'on est et…changer la fin.”
Il y a une gigantesque déconnexion à l'œuvre dans la société. On nous dit qu’il y a une app pour ça, une pilule pour ça, une posture de Yoga pour ça, mais la vérité c’est que nous n’avons pas mis à jour nos outils intérieurs de fabrication du sens et de connaissance de soi, y compris au travail, face à une société ou des phases de vie qui ont radicalement changé.
Découvrez Second Act, mon cabinet de transition de vie, un passeport de sérénité pour la deuxième partie de vie.
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Version #826 de la tendance #post #perf dont je vous parle depuis un an : Wasting time as a status symbol.
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Rare : Humilité et leadership.
Même LinkedIn a copié ses codes : désormais l’Internet est devenu TikTok
WTF d’or #693…Il y a donc des boissons calmantes de pré-coucher pour les enfants….
C’est tout pour cette semaine, je vous retrouve la semaine prochaine avec une douce rareté dans le vacarme du monde, une pincée de nuances.
Bons Rabbit Holes (Plastic Souls, Yeah !)
Waloyo Yamoni, nous surmontons le vent.
Cette newsletter est avant tout un projet de cœur. De nombreuses personnes et sociétés me demandent souvent : comment travailler ensemble ? Actuellement, je consacre 80% de mon temps à “Second Act”, mon cabinet de transition de vie. 10% de mon temps à des Keynotes en entreprise sur les Soft Skills élégants: la Curiosité, l’esprit du débutant, l’émerveillement, l’impact, la loyauté, l’art de la conversation etc. Ainsi que des ateliers et séminaires exclusifs pour les comités de direction. Et 10%, par pur plaisir, à une activité de conseil en positionnement et en identité d’entreprise que j’ai gardée de mes anciennes activités chez Google, Reuters et Dow Jones. Elle me permet de produire des contenus uniques, aussi différenciés que des guitaristes punks dans un orchestre de mariachis.
Ah ! Pas plus tard que ce matin, je me demandais (encore) : « Mais qu’est-ce que je fous là ? »
Merci pour cette belle résonance
quand je lis Umanz, je ne me sens plus un outsider
thankx