La lettre de Umanz : ✍️Pertinence 2.0 vers des nutriments digitaux
Bienvenue sur Umanz, une lettre où un non-automate parle à des intelligences naturelles.
Par un curieux hasard, les machines censées dégager du temps de pensée et de discernement pour l’homme ont précipité un monde où “l’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant” comme le redoutait René Char.
Aujourd'hui, et alors que l’effondrement contextuel joue à plein, je vous parle de “Pertinence”, un mot qu’une cohorte éclairée d’hommes et de technologies tentent de ressusciter et c’est tant mieux.
Je vous parle aussi de “nutriments digitaux” car il est temps de se pencher sur ce que l’on nous donne à voir.
Avant de vous parler de cette fameuse pertinence 2.0, je partage avec vous la plus grande leçon de journalisme qu’il m’ait été donné de lire. Elle nous vient du grand visionnaire tech John Battelle qui nous raconte le début de sa carrière à Wired :
Au tout début de Wired, il y a 22 ans, je me souviens d'être entré dans le bureau du fondateur Louis Rossetto pour lui soumettre une question urgente. J'étais le directeur de la rédaction et mon travail consistait à traiter de nombreuses questions urgentes, la plupart d'entre elles étant de nature tactique. Je devais éditer des articles, maquetter des pages, approuver des titres, des légendes, des budgets et une foule d'autres détails. Je ne sais pas exactement ce que j'attendais de Louis ce jour-là, mais je me souviens de ce qu'il faisait - il était assis, un Wall Street Journal étalé sur son bureau, et il tournait lentement et délibérément les pages, étudiant le journal de la première à la dernière page.
Je l'avais suffisamment vu faire pour savoir qu'il s'agissait d'une habitude régulière, et la pile à côté de lui, composée du New York Times, du New Yorker et d'autres périodiques de la vieille école, me disait qu'il allait continuer pendant encore une heure au moins, voire plus.
En tant que rédacteur en chef du magazine le plus cool du monde, qui couvrait la révolution numérique, l'idée de m'imprégner des "vieux médias" pendant une heure ou plus par jour me paraissait insensée. Si un article du Journal ou du Times était vraiment important, quelqu'un m'en parlerait par mail ou sur le Web. J'ai interrompu Louis et je lui ai demandé : "Comment peux-tu te permettre de prendre le temps de faire cela tous les jours ?"
Je n'oublierai jamais sa réponse. Il a levé les yeux au ciel, sincèrement déconcerté, et a dit : "Comment peux-tu permettre de ne pas le faire ?
Pertinence 2.0, vers des nutriments digitaux
« Les choses qui importent le plus ne doivent pas être à la merci de celles qui importent le moins.»
Johann Wolfgang Von Goethe
Le péché originel du contenu sur internet n'est pas uniquement la gratuité c'est aussi la popularité et c'est un problème qui vient de loin. Je m'explique.
Tout commence par la difficulté des premiers moteurs sémantiques ou statistiques à faire remonter des contenus pertinents sur le web au milieu des années 1990.
La pertinence non pertinente
À l'époque de nombreux moteurs utilisent une recette simple basée sur la précision :la pertinence sémantique ou statistique de l'article) et le rappel (recall) soit le nombre de sites trouvés. Un système devenu largement inefficace quand les sites remontés par les moteurs prirent l'habitude de doper leur "découverte" en truffant leurs textes de mots clés non pertinents.
Et la popularité devint la pertinence
C'est là que Larry Page et Sergey Brin font irruption dans le paysage avec Google. Un coup de génie et un court-circuit conceptuel dans le monde des moteurs. Leur système Page Rank devine que le nombre de sites pointant vers un site web lien fait, de facto, la pertinence du site. Une intuition juste à l'époque. Et dans les premières années du web, cette machine à voter fonctionne. La popularité devient synonyme de pertinence.
Facebook avec le like, puis par la suite Instagram et TikTok perfectionneront les Dark Arts de la popularité algorithmique. Avec les effets sur les esprits, la santé mentale et la qualité des contenus que l'on connaît.
Il y a en effet un produit dérivé de la popularité et des Likes et c’est la toxicité. Gary Tan de YCombinator a révélé récemment que pendant un moment, Paul Graham avait fait une expérience sur Hacker News consistant à ne pas prendre en contre les “Downvotes” (ndlr les votes ‘je n’aime pas’) et qu’en l’espace d’un mois seulement Hacker News -pourtant réputé pour la pertinence de ces contenus- était devenu un espace beaucoup plus toxique et méchant.
Aujourd'hui, la plupart des ados et adultes reconnaissent que cette course algorithmique à la popularité est devenue dysfonctionnelle. Et la plupart des acteurs de la Tech s'aperçoivent que le court-circuit conceptuel de l'époque Popularité=Pertinence ne fonctionne plus.
Le problème de la pertinence est d’autant plus actuel que ChatGPT et ses avatars hallucinent souvent et produisent un contenu “hallucinament faux” venant augmenter et vicier les index des moteurs d’une “fausse popularité” encore plus insidieuse. Une ironie inattendue lorsque l’on sait que le papier fondateur de la nouvelle révolution de l’AI paru en 2017 s’appelait Attention Is All You Need.
Retour à la case départ. Il nous faudrait une nouvelle Pertinence.
Qui à ce jour s'empare de cette question ?
Vers une pertinence 2.0
La question semble agiter une nouvelle génération d'entrepreneurs. Hamish McHenzie, co fondateur de Substack parlait récemment d'algorithme de qualité.
Une idée neuve dans le numérique ? Pas si sûr.
Certains nostalgiques du de la simplicité et de l'innocence du Web 1.0 tentent de réhabiliter l'idée forte de "nutriments digitaux" pour pallier au doomscrolling et à la fatigue croissante du divertissement synthétique des formats courts à la TikTok.
Encore faut-il trouver l'algorithme de tri et de découverte susceptible de "donner à voir" ce contenu pertinent et ces nutriments digitaux.
Face à la junk food digitale, il existe un public pour cette pertinence 2.0 de même qu'il existe un public pour les livres et la gastronomie. Il ne faut jamais oublier que Wholefood a prospéré dans l'ombre de Walmart et Cojean à l'ombre de McDo.
Aujourd'hui, le succès de Substack ou de Kessel et l'expérience de Sublime menée par Sari Azout ou celle, hybride, des français de Capsule , l’émergence inattendue du Cozy Web hors des fils algorithmiques et l’intuition d’Amo montrent qu'il existe une demande pour des contenus digitaux digestes et de haute qualité.
L’idée si pertinente de nutriments digitaux commence donc à faire son chemin. Le rêve de Deepnews.AI de Frédéric Filloux n’est pas mort, il y a dans la nouvelle génération, un appel à sortir de l'infinite Scroll.
Peut-on revenir de l’ère des scrollers à celles des navigateurs ? L’effondrement contextuel est-il une fatalité ? Peut-on substituer à l'abondance synthétique, la rareté de la pertinence. Enfin, il y aura t-il un jour un tableau des éléments des nutriments digitaux ?
Je reste persuadé que la pertinence 2.0 peut devenir une thèse d'investissement, ce qui suppose d’inventer des business models hors audience et donc hors pub, décorrélés de la popularité et récompensant le Slow Content ?
Quelques Startups comme Neeva de l’ex Google Sridhar Ramaswamy ont ouvert la voie, le mystérieux Legend.xyz semble prêt à prendre le relais ou peut-être s’agira-t-il d’une version plus avancée de Perplexity AI. Peut-être qu’une fusion opportune avec des technologies de détection de Fake news (First Draft, NewsGuard, Cyabra ou Factmata) permettra à la pertinence et au web de retrouver leurs lettres de noblesse.
Le sujet est d’actualité, même Google et OpenAI travaillent main dans la main sur FreshLLM sur les notions de précision et de plausibilité.
Au vu des dérives de l’ère de la “popularité-comme-pertinence” et de ses effets sur la santé mentale et la vie citoyenne, la quête d’une pertinence 2.0 serait presque une œuvre de salubrité publique.
Le marché n’est peut-être pas aussi vaste que celui des contenus-aux-mètre qui nous attendent. Mais à l’époque du Swipe Left rien de nouveau il existe un public pour la qualité et le discernement premium. Et dans ce renversement des valeurs, cette demande émergente, la place technologique des nouveaux Google, Meta ou Twitter de la pertinence reste à prendre.
Je rêve d’un monde où les objets technologiques vous donneraient non pas le pire de ce que vous demandez mais le meilleur de ce vous pourriez demander.
La pertinence 2.0 est encore devant nous.
Second Act : réussir sa deuxième partie de vie
« De nombreuses personnes à qui je parle sont convaincues que la formule pour vivre selon leur souhait est d'économiser suffisamment d'argent.
J'aimerais qu'ils sachent ce que je sais : plus on passe de temps sur un chemin qui n'est pas le nôtre, plus il faut de temps pour avancer vers un chemin qui l'est.
L'argent peut aider à payer une thérapie, des congés et des retraites de Wellness, mais il ne vous aidera pas à atteindre ce point où vous êtes réellement en confiance et où vous savez que tout se passera bien. »
Paul Millerd
Découvrez Second Act, notre nouvelle offre Umanz, un passeport de sérénité pour la deuxième partie de vie.
Les Screenthoughts de la semaine
Petit Conseil d’Intérieur
La rivalité est une fonction de la proximité
Le succès est un équilibre
🎙️Envie de Keynotes différentes ?
Découvrez nos dernières Keynotes
C’est quoi avoir de l’impact ?
L’art perdu de la conversation.
Gen Z et ruptures générationnelles : les 5 grands décentrages du travail.
Ceux qui restent : petite méditation sur l’engagement et la loyauté en entreprise.
Tomber en émerveillement, plongée dans l’effet Wow.
Signe des temps/Temps des Signes
On ne pouvait pas passer à côté : le pire du pire des idées de cadeaux de Noël en 2023
Semi drôle et semi vrai : le Gifted Kid Burnout Bingo
Wizard of AI est il le film réalisé par AI, le plus subversif…sur l’AI ?
C’est tout pour cette semaine. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine avec notre désormais rituel annuel des phrases qui ont fait sens en 2023 (il en reste).
D’ici là, gardez le cap 🧭.
Waloyo Yamoni, nous surmontons le vent.
Cette newsletter est avant tout un projet de cœur. De nombreuses personnes et sociétés nous demandent souvent : comment travailler ensemble ? Sachez que nous réalisons des carnets de tendances annuels (réservez votre session dès maintenant), des newsletters sectorielles, ainsi que de nombreuses Keynotes en entreprise sur la Curiosité, l’esprit du débutant, l’émerveillement, l’impact, la loyauté, l’art de la conversation etc. Ainsi que des ateliers et séminaires exclusifs pour les comités de direction.
Nous avons également une activité de conseil en positionnement et en identité d’entreprise et réalisons des contenus aussi différenciés que “des guitaristes punks dans un orchestre de mariachis” pour les entreprises, les professionnels et les marques. N’hésitez pas à nous solliciter.