La lettre de Umanz : 🖋️ta vie en escalier
Il est parfois étonnant de constater comment les nuances, les vraies, nous viennent tardivement. Récemment, j’ai été par exemple surpris de constater comment la fameuse injonction du “champ des possibles” finissait par nous créer des impossibles…
La connaissance de soi n’est jamais complète et c’est ce qui m’a fasciné dans le très long et très bel essai de Lawrence Yeo sur “l’escalier du soi” inspiré par Piaget et Adler que nous publions cet semaine sur Umanz. Je vous en parle plus bas.
Mais avant cela, tradition Umanz oblige, place au texte essentiel : cette exhortation puissante d’Edmond Rostand à s’extraire des situations professionnelles enlisées :
"Non merci !"
Cyrano : "Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? Se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? Une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci ! D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ?
Non, Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François » ?…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! Non, merci ! Non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"
Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
A la une cette semaine
L’escalier vers soi
Cet article est une traduction de l’essai Staircase of the self de More to That écrit par le célèbre blogueur et serial-entrepreneur Lawrence Yeo qui a élégamment accepté que nous le publions sur Umanz, qu’il en soit remercié.
Quand les enfants nous copient, on trouve ça mignon. Quand les adultes nous copient, nous menaçons de les poursuivre en justice.
Cette étrange dynamique met en lumière notre relation à l’imitation et la façon dont elle se transforme au fil du temps. Lorsque nous interagissons avec un enfant, nous partons du principe que l’enfant est encore en train d’apprendre quelle est sa place dans le monde, et nous acceptons donc l’émulation comme une condition préalable à son développement. Il n’est pas seulement normal de voir l’enfant copier le comportement des adultes, c’est quelque chose qui nous procure une immense joie.
Le psychologue Alfred Adler estime que ce comportement d’imitation est le résultat d’un “complexe d’infériorité” qui est universel dans l’enfance. Comme tous les enfants entrent dans un monde habité par des adultes imposants, les différences physiques entre eux et leurs parents provoquent ce sentiment d’infériorité. Pour y remédier, l’enfant imite le comportement de ces géants de la forêt et apprend à surmonter divers problèmes en copiant ce qu’ils font.
Une autre façon de voir les choses est que le sens du soi n’est pas intensément cultivé chez l’enfant. La plupart des liens de l’enfant avec son individualité sont purement basés sur des données sensorielles – ils se limitent à la sensation de faim qu’il ressent, à la chaleur physique qu’il ressent, au malaise qu’il veut que vous résolviez.
Mais la conscience de son identité en tant que personne unique a été transférée aux adultes. Ma femme et moi regardons notre nouveau bébé qui est une fille et disons des choses comme : “elle semble assez introvertie” ou “elle est sensible à l’énergie des gens”, mais ma fille (probablement) ne fait aucune de ces interprétations lorsqu’elle pense.
Cette absence de conscience de soi est une aspiration spirituelle pour de nombreux adultes, mais c’est uniquement parce que nous savons comment répondre à nos besoins biologiques fondamentaux. Les jeunes enfants, en revanche, ne peuvent littéralement pas survivre sans la présence de personnes qui s’occupent d’eux, et le fait de ne pas avoir de sens de soi ne leur fait donc aucun bien. La survie de l’individu dépend des interactions avec les autres, de sorte que la formation de leur identité dépend de la personne qui est là pour s’occuper d’eux régulièrement.
L’imitation est le creuset du comportement humain. Il est impossible de nier ce fait, et nous comprenons tous intuitivement sa vérité. Cependant, pourquoi est-il également intuitif pour nous de mépriser l’imitation en grandissant ? Pourquoi est-il souhaitable de se débarrasser des normes sociétales pour devenir notre “moi authentique”, ou pour échapper entièrement à ce sens du soi ?
Pour répondre à ces questions, nous allons devoir faire un voyage à travers les étapes de notre identité, et la façon dont nous l’intériorisons à chaque phase. Pour ce faire, j’aimerais vous présenter ce que j’appelle l’escalier du moi :
Comme l’indique le schéma, la position de chaque marche est liée à l’intensité avec laquelle on s’identifie à son sens du moi, ou à la sensation d’être un individu distinct naviguant dans le monde. Vous remarquerez que le diagramme est symétrique, c’est-à-dire que deux marches occupent la même position horizontale à différentes phases de la vie (par exemple, l’estime de soi et l’épanouissement personnel). Cela s’explique par le fait que ces deux étapes incarnent une relation similaire avec l’identité, mais avec des optiques différentes. Nous y reviendrons plus en détail plus tard.
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Interview Lan Anh Vu Hong : “La prise de conscience de l’urgence climatique est liée intimement à une crise du sens”
Le dérèglement climatique va changer notre quotidien car il va changer nos verbes.
Nos façons de nous déplacer, nous nourrir, habiter, travailler, consommer, comprendre, vivre, nous engager et nous connecter vont être bouleversées dans les prochaines années dans la perspective salutaire du “Net Zéro”.
Lan Anh Vu Hong vient de publier : “100 gestes pour réduire son empreinte carbone” chez FYP Editions, un guide à la fois riche, pratique (impact léger/fort impact, facile/exigeant) et détaillé (pourquoi ? Quel impact ?) sur comment “faire sa part” au quotidien face à l’urgence climatique.
Elle a accepté de répondre aux questions de Umanz :
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ChangeNow : une édition toute digitale les 27, 28 et 29 mai 2021
La quatrième édition de ChangeNOW se tiendra en digital fin mai. A situation exceptionnelle, format exceptionnel. ChangeNow digitalise l’intégralité de son sommet, avec de nombreux formats interactifs pour s’affranchir des frontières et accélérer le développement des solutions pour un monde durable :
« L’agenda international et les rassemblements sur les enjeux environnementaux et sociaux a été largement ralenti par la crise sanitaire. Pour nous il était primordial de maintenir les dates de mai pour continuer d’avancer sur ces sujets urgents. Nous lançons ces 3 jours de collaboration mondiale pour réactiver les forces vives partout dans le monde, de manière inédite. » expliquent Santiago Lefebvre, Rose-May Lucotte et Kevin Tayebaly, co-fondateurs de ChangeNOW.
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3 tweets sinon rien
Celui-ci (en 2021, tu n’as pas réussi ta vie si tu ne comprends rien à ce tweet), celui-là (le gouffre du sens) et celui-là.
Screenthoughts as a service
Les Screenthoughts sont de petites pensées percutantes capturées ailleurs. Cette semaine :
Toute prédiction sur l’avenir…
Les marques du futurs seront les personnes
Les dividendes de temps
Hannah Arendt a deux mots à vous dire
“Les mots justes trouvés au bon moment sont de l'action.”
La revue de presse de la semaine
Quelques pépites parmi les revues de presse réalisées pour nos clients :
🔗 Et le Web cessa d’être interopérable ? par Ben Thompson
💪 Signal fort #climatechange McKinsey rachète Vivid Economics et Planetrics
🤔 100 conseils de CEO, VC et fondateurs de start-ups sur les changements de carrière.
🐟Mets un poisson dans le percolateur et 5 autres conseils artistiques de David Lynch
✉️ L’art oublié, connaissez vous le letter locking ?
C’est tout pour cette semaine. Passez un merveilleux week-end, restez humains et gardez le cap.
Cette newsletter est avant tout un projet de cœur. De nombreuses personnes et sociétés nous demandent souvent : comment travailler ensemble ? Sachez que nous réalisons des carnets de tendances annuels (réservez votre session aujourd’hui ), des newsletters sectorielles, ainsi que de nombreux ateliers, conférences et séminaires exclusifs.
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