“ Est-ce que les verbes peuvent s’inventer? Je veux t’en dire un : je te ciel, et ainsi mes ailes s’étirent, énormes, pour t’aimer sans limites”.
Frida Kahlo
L’essai de la semaine fait partie de la série d’essais de type “évidences étonnament bien masquées” comme Soyez des Créateurs pas des Créatures, la vie qui va avec, ou Super jour ou Super vie ?
Il est né d’une petite anecdote sur Bob Dylan qui m’a laissé songeur et m’a fait longuement réfléchir, c’est d’ailleurs la méditation (active) du jour :
En 2015, l’humoriste Norm Macdonald a raconté son étonnante rencontre avec Bob Dylan et d'une étrange obsession du chanteur. Ils ont parlé de toutes sortes de choses, puis ils ont évoqué leurs livres préférés. Ils ont parlé de la Bible (Norm MacDonald a dit qu'il aimait Job, Bob a dit qu'il aimait l'Ecclésiaste).
À un moment donné, Macdonald a déclaré : "Je me souviens qu'il n'arrêtait pas de parler des verbes et de la "verbification", de la façon dont tout pouvait être "verbifié".
Et là bingo, ce terme “Verbifier” a provoqué un court circuit dans ma tête. J’ai raccroché plusieurs wagons qui se sont télescopés, des phrases religieuses “au commencement était le verbe” ou des interrogations de mes enfants “mais dans ton métier tu fais quoi ?”.
Très vite, je l’ai croisé avec cette réflexion subtile de David Perell : “Si tu veux explorer une nouvelle compétence, ne te contente pas de consommer de l'information. Fais-la aussi. Si tu veux apprendre la musique, ne te contente pas d'écouter beaucoup de musique. Joues en aussi. Chaque activité comporte des aspects indescriptibles que tu ne peux découvrir qu'en action.”
Jusqu’à ce que je tombe sur cette phrase inouïe de Martha Graham : “Le théâtre est d’abord un verbe avant d’être un nom, une action avant d’être un lieu.” puis celle de Frida Kahlo par laquelle j’ai ouvert cette lettre.
C’est là que j’ai décidé de rédiger l’essai d’aujourd'hui.
Et puisque pour lire, il faut être lecteur…
Bonne lecture.
Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe
C’est une injonction mystique qui vient du fond des âges, dans la bible Dahar signifie à la fois dire et faire…Le nom et le verbe.
Chez Goethe les premiers mots de Faust sont : “Au commencement était l’action”.
Chez les Indiens Potawatomi les mots sont encore animés, gorgés de vie, le mot correspondant à un fruit s’apparente plutôt à “être un fruit”. Dans certaines langues, les mots portent encore en eux la vie qui les anime.
Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe.
Au moyen âge les compagons de 12 à 14 ans passaient sept ans en apprentissage chez un artisan avant d’aller, de ville en ville, peaufiner leur savoir. Ce n’est qu’après ces étapes qu’ils étaient autorisés à réaliser un “chef d’oeuvre.”
En 1841, un homme s’embarqua à l'âge 21 ans pendant 18 mois sur le baleinier Acushnet, 10 ans plus tard Herman Melville écrira le mythique Moby Dick.
Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe.
Il y a donc une résonance mythique dans cette phrase que j’ai retrouvée chez Cathie Black, Stephen Fry et Ryan Holiday. Et on y trouve une profonde logique : aucun de nous n’a appris le vélo dans un livre et un boulanger doit savoir pétrir le pain, un comptable compter, un avocat défendre, un jardinier jardiner, un juge juger.
Mais cette phrase prend une résonance tout à fait particulière dans la modernité liquide où les injonctions à devenir ceci ou cela, boursouflées par les réseaux sociaux, sont multiples mais où de moins en moins de gens se risquent à faire.
Il y a une guerre contre le verbe.
Nous sommes entrés dans une société qui nous force à mimer (mèmer?) une identité avant d’avoir fait le lent travail du faire. Ce faire qui mène à l’être.
En bref, les gens veulent le titre sans le geste.
À force d’évoluer dans l’espace magique qui existe entre le nom et le verbe on s'aperçoit que souvent le nom est, paradoxalement, ce qui nous retient de faire le travail alors que le verbe est le travail lui-même. On rêve le nom sans faire le verbe car souvent on ne veut pas la vie qui va avec.
Tu ne peux être le nom sans être le verbe
Mais par la suite on apprend à se méfier des ces métiers à plusieurs zéros qui, bizarrement ne t’offrent aucun verbe mais qui offrent des noms à rallonge. Des noms creux - que ne comprennent pas tes parents- et qui ne sont souvent que des hochets interchangeables, paradoxes d’une société qui semble mépriser le faire.
C’est aussi pour cela que la phrase obsédante que pose l’économiste Tyler Cowen aux invités de son Podcast : “quels sont, chez toi, l’équivalent des gammes de piano ?“ résonne si fortement en moi.
Et c’est à cela qu’il faut se résoudre dans tous les sens du terme. Chercher le verbe derrière le nom. L’incarner encore et toujours.
Peut-être un jour pourrons nous créer notre propre verbe.
Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe.
Quel est ton verbe ?
Quel sera ton “second act” ?
Sans projet à toi, tu deviens le projet des autres. De tous les autres
Ces autres qui ont dessiné sur la page que tu laissais vide.
Ces autres qui ont tracé leurs chemins sur ton vide.
Ta feuille immaculée est devenue leur espace.
Tu avais oublié que ce n’est pas le salaire du travail qui importe, mais la personne qu’il nous aide à devenir.
Il y a une gigantesque déconnexion à l'œuvre dans la société. On nous dit qu’il y a une app pour ça, une pilule pour ça, une posture de Yoga pour ça, mais la vérité c’est que nous n’avons pas mis à jour nos outils intérieurs de fabrication du sens et de connaissance de soi, y compris au travail, face à une société et des phases de vie qui ont radicalement changé.
Découvrez Second Act, mon cabinet de transition de vie, un passeport de sérénité pour la deuxième partie de vie.
Les Screenthoughts de la semaine
Exit Vs Valorisation
Curiosité Vs Certitude
La folie est un jeu de chiffres
Signe des temps et temps des signes
Le mot qui monte aux US et qui n’a pas encore de verbe 😉 : Impolitic.
Je vous avait déja parlé d’agentivité qui est pour moi l’une des plus grande vertu à l’âge de l’incertitude. Le nouveau rapport truffé d’insights de Globespan sur la GenZ s’intitule de l’anxiété à l’agentivité.
Il y a quelques semaines je vous parlais de la sécurité Cognitive. Voici, la dette cognitive.
Protège ton job, protège ton job, protège ton job, bienvenue dans l’eggshell economy.
Les algues au secours des minéraux critiques ?
C’est tout pour cette semaine, je vous retrouve la semaine prochaine avec un essai co-écrit avec la mythique Marie Dollé.
D’ici là, comme toujours, gardez le cap 🧭.
Waloyo Yamoni, nous surmontons le vent.
Cette newsletter est avant tout un projet de coeur. De nombreuses personnes et sociétés me demandent souvent : comment travailler ensemble ? Actuellement, je consacre 80% de mon temps à “Second Act”, mon cabinet d’accompagnement en transitions pro ou perso. 10% de mon temps à des Keynotes en entreprise sur les Soft Skills élégants: la Curiosité, l’esprit du débutant, l’émerveillement, l’impact, la loyauté, l’art de la conversation etc. Ainsi que des ateliers et séminaires exclusifs pour les comités de direction. Et 10%, par pur plaisir, à une activité de conseil en positionnement et en identité d’entreprise que j’ai gardée de mes anciennes activités chez Google, Reuters et Dow Jones. Elle me permet de produire, pour les marques et les entreprises des positionnements ou des contenus uniques, aussi différenciés que des guitaristes punks dans un orchestre de mariachis.